L’essentiel en un clin d’œil
• L’immunothérapie a poussé les cancers de l’utérus sur le devant de la scène de l’oncologie gynécologique. Lors de cet ESMO 2021, deux essais randomisés avec un anticorps monoclonal anti-PD-1/PD-L1 ont réussi à prolonger la survie globale de patientes atteintes de cancer du col avancé : le pembrolizumab associé au traitement standard de première ligne des cancers du col avancés qui a eu tous les honneurs de la session présidentielle, et la monothérapie par cémiplimab en seconde ligne.
• Les anti-PARP continuent à dominer le paysage des cancers de l’ovaire et l’essai de phase III OReO montre le bénéfice de reprendre une maintenance par olaparib chez des patientes en rechute qui avaient déjà bénéficié d’un traitement par anti-PARP.
• Mais ces progrès indubitables sont loin d’être suffisants et laissent encore la place à de nombreuses innovations qui ont comme terrain privilégié les tumeurs rares et dont nous avons sélectionné deux exemples.
TOP 1 / La clé de l’immunothérapie en première ligne des cancers du col de l’utérus : KEYNOTE-826
Après l’addition du bévacizumab à une chimiothérapie à base de platine (GOG240, 2015), c’est au tour du pembrolizumab ajouté à la chimiothérapie avec ou sans bévacizumab d’augmenter la survie des patientes atteintes de cancer du col avancé. Les résultats sont parus dans le New England Journal Medicine le jour de la présentation.
L’étude KEYNOTE-826
Dans cet essai de phase III, KEYNOTE-826, ont été incluses 617 pa-
tientes atteintes d’un cancer du col de l’utérus épidermoïde ou adénocarcinome, métastatique avec rechute locale (62 %) ou sans (19 %) ou avec rechute locale isolée (19 %), traitées antérieurement par radiothérapie ou radio-chimiothérapie (72 %).
Elles ont été randomisées 1:1 pour recevoir du pembrolizumab (35 cycles) ou du placebo en plus de six cycles de chimiothérapie platine + paclitaxel avec ou sans bévacizumab (62 % des patientes en ont reçu).
Résultats
Les patientes dans le bras pembrolizumab ont bénéficié d’une augmentation significative de PFS (HR = 0,65 ; 0,53-0,79 ; médiane de PFS = 10,4 versus 8,2 mois ; p < 0,001) et de survie globale (HR = 0,61 ; 0,44-0,84 ; médiane d’OS = 16,4 mois versus non atteinte avec un suivi de
22 mois ; p = 0,001) (Fig. 1).
Figure 1 – KEYNOTE-826 : survie globale de patientes atteintes de cancer du col avancé PD-L1 CPS positive traitées en première ligne par chimiothérapie avec ou sans pembrolizumab.
Cerise sur le gâteau, le temps jusqu’à détérioration est prolongé dans le bras pembrolizumab (HR = 0,75 ; 0,58-0,97), malgré une augmentation d’effets secondaires immuns dominés par les troubles thyroïdiens, les colites et les rashs cutanés avec 11,4 % de grade ≥ 3 versus 2,9 % dans le bras placebo.
Le bénéfice en PFS et OS est retrouvé que les patientes aient été traitées avec du bévacizumab ou non, et quel que soit le niveau d’expression de PD-L1 avec CPS > 1 (89 % des patientes), mais pas pour la petite population (11 %) de patientes CPS < 1. De façon intéressante, les 190 patientes (31 %) d’emblée métastatiques ne bénéficient pas non plus de l’addition de pembrolizumab, comme si l’échec de la radiothérapie ou radio-chimiothérapie première sélectionnait les patientes plus immunosensibles.
À retenir
Si des questions restent en suspens, il est clair que l’association en première ligne du pembrolizumab avec la chimiothérapie est un nouveau standard dans les cancers du col avancé.
• Colombo N, Dubot C, Lorusso D et al. Pembrolizumab for persistent, recurrent, or metastatic cervical cancer. N Engl J Med 2021 ; Epud ahead of print.
• Colombo N, Dubot C, Lorusso D et al. Pembrolizumab plus chemotherapy versus placebo plus chemotherapy for persistent, recurrent, or metastatic cervical cancer: Randomized, double-blind, phase III KEYNOTE-826 study. Ann Oncol 2021 ; 32 : LBA2_PR.
TOP 2 / L’immunothérapie meilleure que la chimiothérapie en rechute de cancer du col utérin après une première ligne !
L’étude
Cet essai de phase III compare l’anti-PD-1 cémiplimab 350 mg IV toutes les 3 semaines ou une chimiothérapie au choix de l’investigateur chez 608 patientes atteintes de cancer du col (78 % épidermoïde, 22 % adéno-carcinome) en progression après une première ligne de chimiothérapie à base de platine.
Résultats
La médiane de survie globale était respectivement de 12,0 et 8,5 mois dans les bras cémiplimab et chimiothérapie (HR = 0,69 ; IC 95 % = 0,56-0,84 ; p < 0,001) (Fig. 2). Le taux de réponse était de 16 % dans le bras expérimental contre 6 % dans le bras chimiothérapie.
Figure 2 – Survie globale de patientes atteintes de cancer du col avancé rechutant après une première ligne de chimiothérapie et traitées par l’anti-PD-1 cémiplimab ou par chimiothérapie au choix de l’investigateur.
La supériorité du cémiplimab était observée quelle que soit l’histologie, mais était plus nette en cas de surexpression PD-L1 > 1 % sur les cellules tumorales.
Globalement, la tolérance était meilleure dans le bras expérimental avec moins d’anémie, de nausées et de vomissements, en dépit d’un taux plus élevé d’effets secondaires auto-immuns.
À retenir
Lorsqu’ils seront disponibles, les anti-PD-L1/PD-1 (pembrolizumab ou cémiplimab) en monothérapie seront le standard de traitement des patientes atteintes de cancer du col utérin rechutant après une première ligne de traitement par chimiothérapie, mais ne contenant pas d’immunothérapie.
• Tewari KS, Monk BS, Vergote I et al. EMPOWER-Cervical 1/GOG-3016/ENGOT-cx9: Interim analysis of phase III trial of cemiplimab vs. investigator’s choice (IC) chemotherapy (chemo) in recurrent/metastatic (R/M) cervical carcinoma. Ann Oncol 2021 ; 32 : VP4_2021.
TOP 3 / Vous avez déjà bénéficié d’un inhibiteur de PARP ? Alors reprenez un OReO
La reprise en rechute d’un traitement qui s’était avéré efficace a été démontrée pour la chimiothérapie à base de platine si l’intervalle libre par rapport à la première administration est suffisant, mais aussi pour le bévacizumab, quel que soit l‘intervalle libre. Il restait à le prouver pour les PARPi.
L’étude OReO
C’est chose faite avec l’essai phase III en rechute OReO qui a randomisé olaparib ou placebo en maintenance chez des patientes répondeuses à une nouvelle ligne à base de platine et qui avaient déjà reçu un traitement par PARPi pendant une durée minimal de 6 mois.
Les 220 patientes, réparties en deux cohortes (BRCA1/2 mutées et non mutées), étaient lourdement prétraitées (environ 90 % avaient reçu au moins trois lignes de chimiothérapie) (Fig. 3).
Figure 3 – OReO phase III : maintenance par olaparib chez les patientes atteintes de cancer de l’ovaire en rechute qui ont déjà reçu un traitement par inhibiteur de PARP.
Résultats
Comparée au placebo, la nouvelle ligne de PARPi en maintenance s’est révélée efficace en termes de PFS, tant dans la cohorte BRCA mutée (HR = 0,57 ; PFS à 12 mois = 19 versus 0 %) que dans la cohorte BRCA non mutée (HR = 0,43 ; PFS à 12 mois = 14 versus 0 %), que les patientes aient un test HRD MyChoice positif ou non. Le retraitement par olaparib s’est révélé bien toléré (arrêt de traitement pour toxicité = 3 et 1 % respectivement dans les cohortes BRCA mutées et non mutées), vraisemblablement parce que l’essai a dû sélectionner surtout des patientes qui avaient bien supporté le précédent PARPi. Il n’a pas été noté de leucémie ou de myélodysplasie.
À retenir
L’AMM de l’olaparib demandait des données pour pouvoir offrir de nouveau l’olaparib en rechute après en avoir déjà reçu. C’est fait !
• Pujade-Lauraine E, Selle F, Scambia G et al. Maintenance olaparib rechallenge in patients with ovarian carcinoma previously treated with a PARP inhibitor. Phase IIIb OReO/ENGOT OV-38 trial. Ann Oncol 2021 ; 32 : LBA33.
TOP 4 / Enfin de bonnes nouvelles dans les carcinosarcomes utérins !
Le carcinosarcome utérin est un cancer survenant volontiers chez la femme âgée, à haut risque de rechute, même dans ses formes a priori localisées et pour lesquelles les traitements systémiques sont jusqu’ici décourageants, même si une certaine chimiosensibilité transitoire peut être observée.
L’étude STATICE
Dans leur étude STATICE, les Japonais ont traité 34 patientes atteintes de carcinosarcome utérin avancé qui exprimait HER2 (retrouvé dans 30 à 50 % des cas) par le trastuzumab déruxtécan (T-DXd, 5,4 mg/kg toutes les 3 semaines), dont on connaît la grande activité dans le cancer du sein.
Résultats
Le taux de réponse est de 55 %, quelle que soit l’intensité de l’expression (HER2 1+ ou 2/3+) et aucune patiente n’a progressé sous traitement, mais le recul reste court. La médiane de PFS est de 6,2 mois.
À retenir
Résultats très encourageants !
• Hasegawa K, Nishikawa T, Hirakawa A et al. Efficacy and safety of trastuzumab deruxtecan in HER2-expressing uterine carcinosarcoma (STATICE trial, NCCH1615): A multicenter, phase II clinical trial. Ann Oncol 2021 ; 32 : 813P.
TOP 5 / Carcinomes ovariens séreux : des espoirs hauts pour des grades bas
Les cancers séreux de bas grade avancés sont redoutables car, si leur évolution est lente, leur faible chimiosensibilité et médiocre hormonosensibilité sont responsables du décès précoce de ces jeunes femmes qui en sont le plus souvent atteintes. Il n’est donc pas étonnant que les progrès s’orientent vers des traitements sans chimiothérapie.
L’étude FRAME
Après les succès du tramétinib, inhibiteur de MEK, voilà les premiers résultats de la combinaison d’un inhibiteur dual RAF/MEK (VS-6766 3,2 mg per os x 2/semaine) et d’un inhibiteur de FAK (défactinib, 200 mg x 2/jour) 3 semaines sur 4.
Résultats
Au total, 24 patientes ont été incluses dans cette phase I/II (étude FRAME), dont les résultats d’efficacité montrent un taux de réponse de 46 %, qui est même de 64 % chez les 11 patientes qui avaient une mutation KRAS. La médiane de PFS atteint 23 mois (IC 95 % = 10,6-non atteinte) (Fig. 4).
Figure 4 – Réponses objectives des patientes atteintes de cancer séreux de bas grade en rechute traitées par l’inhibiteur dual RAF/MEK associé à l’inhibiteur de FAK.
La principale toxicité est la survenue de rash de grade 1/2 le plus souvent.
À retenir
Ces résultats ont convaincu la FDA qui a octroyé une breakthrough designation à cette combinaison, ouvrant la voie à une étude phase III en préparation.
• Banerjee S, Grochot R, Shinde R et al. Phase I study of combination of the dual RAF/MEK inhibitor VS-6766 and the FAK inhibitor defactinib: Results of efficacy in low grade serous ovarian cancer. Ann Oncol 2021 ; 32 : 725MO.
Éric Pujade-Lauraine déclare avoir des liens d’intérêt avec Roche, AstraZeneca,
Pfizer, Merck, Genmab et Incyte.