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La thérapie par photobiomodulation : place dans les soins de support oncologiques

Résumé

Les soins de support font partie intégrante du parcours de soins des patients atteints de cancer. Malgré les améliorations continues dans les traitements anticancéreux, les patients présentent toujours des effets secondaires aigus ou chroniques avec un effet négatif sur la qualité de vie, voire sur la survie. Ce qui explique pourquoi la communauté médicale oncologique est toujours à la recherche des nouvelles stratégies de soins de support qui peuvent prévenir ou traiter les toxicités des thérapies du cancer.

Dernièrement une technique de laser nommée photobiomodulation (PBM) attire notre attention par ses effets cicatrisants, antalgiques et anti-inflammatoires prouvés largement dans le traitement de la mucite. Plusieurs sociétés savantes internationales (MASCC/ISOO ou ESMO) recommandent cette technique dans la prévention des mucites radio ou chimio-induites en onco-hématologie. D’autres indications émergent et font actuellement l’objet d’études cliniques : épithélite radique, lymphœdème, neuropathie périphérique, ostéoradio(chimio)nécrose de la mâchoire, trismus, dysphagie, xérostomie, dysgueusie, douleur, érythrodysesthésie palmo-plantaire (syndrome main-pied).

La PBM est une méthode non invasive, sans effets secondaires identifiés jusqu’à présent, avec des résultats cliniques prouvés dans des indications qui n’ont pas d’autres alternatives thérapeutiques. La facilité d’utilisation des appareils de PBM, les résultats cliniques très intéressants de cette technique dans de nombreuses indications font que les centres d’oncologie et/ou de radiothérapie adoptent, de plus en plus dernièrement, la PBM dans les soins de support oncologiques chez les adultes comme chez les enfants.

Abstract

Photobiomodulation therapy in oncological supportive care

Supportive care is an integral part of the cancer patient care pathway. Despite continuous improvements in cancer treatments, patients still experience acute or chronic side effects with a negative impact on quality of life or even survival. This explains why the medical oncology community is always looking for new supportive care strategies that can prevent or treat the toxicities of cancer therapies.

Lately a laser technique called photobiomodulation (PBM) attracts our attention by its healing, analgesic and anti-inflammatory effects proven widely in the treatment of mucositis. Several international societies (MASCC/ISOO or ESMO) recommend this technique in the prevention of radio or chemo-induced mucositis in oncohematology. Other indications are emerging and are currently the subject of clinical studies: radiation dermatitis, lymphedema, peripheral neuropathy, osteoradio(chemo)necrosis of the jaw, trismus, dysphagia, xerostomia, dysgeusia, pain, palmoplantar erythrodysesthesia (hand-foot syndrome), etc.

PBM is a non-invasive method, with no side effects identified so far, with prouved clinical results in indications that have no other therapeutic alternatives. The ease of use of PBM devices, the interesting clinical results of this technique in many indications, make that oncology and or radiotherapy centers are adopting, more and more recently, PBM in oncological supportive care in both adults and children.

 

Introduction

Historique

Issue de la technologie du laser, la photobiomodulation (PBM) existe depuis plus de 50 ans. Cette technique utilisée dans quasiment toutes les spécialités médicales (odontologie, médecine sportive, dermatologie, médecine esthétique, neurologie, psychiatrie, etc.) a toute sa place aujourd’hui dans les soins de support oncologiques.

Avant l’acceptation universelle du terme PBM en 2015, plus de 70 terminologies différentes étaient utilisées pour décrire ce traitement : la thérapie par laser (lumière) de faible intensité ou basse énergie (LLLT ou low level laser/light therapy), le laser froid, la photostimulation, etc.

 

Définition et effets

La PBM est définie actuellement comme la thérapie par laquelle le rayonnement optique non ionisant dans la gamme spectrale visible, rouge et proche infrarouge est absorbé par les photoaccepteurs endogènes pour déclencher des événements photophysiques et photochimiques à diverses échelles biologiques sans provoquer de dommages thermiques, entraînant des changements physiologiques et des bénéfices thérapeutiques (1). 

La PBM peut influencer l’activité cellulaire soit par la stimulation, soit par l’inhibition des fonctions physiologiques. Au niveau tissulaire, la PBM stimule et favorise les processus positifs tels que la cicatrisation, la régénération et les réponses immunitaires et médie les processus négatifs tels que l’inflammation, la douleur et les réponses immunitaires aberrantes (2). 

 

Mécanismes d’action

La première loi de la photobiologie stipule que pour qu’une lumière visible de faible puissance puisse avoir un effet sur un système biologique vivant, les photons doivent être absorbés par des bandes d’absorption électroniques appartenant à certaines molécules nommées photoaccepteurs. 

 

Des mécanismes de biostimulation à l’intérieur des cellules

Les mécanismes responsables des réponses biologiques de la PBM sont premièrement des mécanismes de biostimulation à l’intérieur des cellules via l’absorption de la lumière par le principal photoaccepteur, le cytochrome C oxydase (CCO), dans la membrane mitochondriale interne (3), mais aussi via l’interaction de la lumière avec les couches d’eau interfasciales (4). 

 

L’absorption d’ondes de lumière par le cytochrome C oxydase

L’absorption d’ondes de lumière rouge à infrarouge par la mitochondrie provoque une cascade biochimique avec une activation directe du CCO et des canaux ioniques de calcium (Ca2+) avec une augmentation de la production d’adénosine triphosphate (ATP) et de monoxyde d’azote (NO), courte explosion d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) et modulation des niveaux de Ca2+. Ces molécules induisent, de manière dose-dépendante, une activation de facteurs de transcription (facteur nucléaire kappa B (NF-kB), facteur induit par l’hypoxie 1 (HIF 1), etc.) suivie de l’activation dans le noyau cellulaire de plusieurs gènes et molécules effectives impliqués dans les voies de signalisation de la réplication cellulaire, augmentation de l’oxygénation des tissus, synthèse de protéines, modulation des niveaux de cytokines, des facteurs de croissance (de l’endothélium vasculaire (VEGF), des fibroblastes (FGF), etc.) et des médiateurs inflammatoires. De plus, le NO, libéré à l’extérieur des cellules, agit comme un puissant vasodilatateur, améliorant la micro-circulation locale (vasculaire et lymphatique) et permettant une meilleure disposition des processus de réparation locale (5). 

 

L’interaction de la lumière avec les couches d’eau interfasciales

En plus, la lumière rouge-proche infrarouge réduit au niveau cellulaire la viscosité des couches d’eau interfasciales, ce qui permet à l’ATP synthase, qui fonctionne comme un nanomoteur, de tourner plus rapidement augmentant ainsi la synthèse d’ATP mitochondrial. Cette nouvelle théorie explique pourquoi la synthèse d’ATP mitochondriale peut être déclenchée même par des longueurs d’onde de lumière qui n’ont pas d’effet sur le CCO (4).

 

Des mécanismes biologiques au niveau de la membrane cellulaire

Deuxièmement, il s’agit des mécanismes biologiques, prépondérant analgésiques, au niveau de la membrane cellulaire via l’activation par la lumière des récepteurs photosensibles et transporteurs d’ions comme les opsines et les canaux ioniques du potentiel de récepteur transitoire de la famille des vanilloïdes (Transient Receptor Potential Vanilloide, TRPV). L’activation du TRPV entraîne une perméabilisation non sélective de la membrane plasmique au Ca2+ qui interagit avec ROS et cAMP avec rôle dans la diminution du stress oxydatif et dans l’activation des facteurs de transcription (6). 

 

Des mécanismes régénératifs au niveau de la matrice extracellulaire

Troisièmement, il y a les mécanismes régénératifs au niveau de la matrice extracellulaire déterminés probablement par l’activation du TGF-ß1 latent (transforming growth factor beta) via un mécanisme redox (ROS). Le travail de Tang et al. fournit des preuves de la capacité du TGF-ß1 activé par PBM d’atténuer l’inflammation, tout en favorisant la régénération tissulaire (7).

 

Les cibles cliniques identifiées

Jusqu’à présent, les cibles cliniques identifiées pour la thérapie par la lumière rouge et proche infrarouge sont :

• les tissus endommagés pour favoriser la guérison, le remodelage et réduire l’inflammation ; 

• les ganglions lymphatiques pour réduire l’œdème et l’inflammation ; 

• les nerfs pour induire l’analgésie ; 

• les points de déclenchement pour réduire la sensibilité et détendre les fibres musculaires contractées.

 

Paramètres PBM

Les paramètres à prendre en compte

L’ampleur de l’effet biologique est influencée par la cible clinique, le type de pathologie, le spectre d’absorption du photorécepteur, mais également par les paramètres des appareils de PBM (LASER ou LED) : 

• la longueur d’onde rouge-proche infrarouge (600-1 000 nm), 

• la puissance de l’appareil (1-500 mW), 

• la densité d’énergie/fluence (0,5-12 J/cm²), 

• la fréquence (6-99 Hz), 

• le temps d’application (maximum 12 minutes).

 

Les paramètres optimaux

Comme d’autres agents thérapeutiques, la PBM suit les règles de la réponse biphasique dépendante de dose (courbe d’Arndt-Schulz), un principe qui stipule qu’il existe des paramètres “optimaux” identifiés comme la dose appropriée de la lumière qui fournit une action thérapeutique sur les tissus ciblés (8). 

L’identification correcte de la dose appropriée n’est pas un processus facile dans la PBM, en raison des nombreux paramètres par lesquels les LASERs/LEDs émettent leur énergie et cela conduit à un manque de protocoles standardisés dans les diverses applications cliniques. 

Cependant, même sans consensus définitif, il existe une grande quantité de preuves cliniques positives qui soutiennent les effets bénéfiques de la PBM dans de nombreuses conditions pathologiques, comme la cicatrisation, la réparation tissulaire, le soulagement de la douleur et la régénération neuronale.

 

Indications cliniques en oncologie

Toutes les affections modulées par la PBM (inflammation, ulcération, œdème, douleur, fibrose, lésions neurologiques et musculaires) sont impliquées dans la pathogenèse des complications induites par chimiothérapie (CT), radiothérapie (RT), thérapie ciblée, immunothérapie, greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH).

Nous allons aborder dans cette revue les effets secondaires des traitements anticancéreux pour lesquels des études cliniques sont en faveur d’une efficacité de la PBM. 

 

La mucite orale

Les causes

La mucite orale (MO) est l’inflammation caractérisée par douleur et ulcération au niveau des muqueuses de la cavité buccale et du segment oropharyngé oral qui résulte en grande partie de la perturbation des cellules progénitrices épithéliales à division rapide sous l’effet d’une agression chimique ou physique. 

Mais la MO n’est pas uniquement due à des dommages directs à l’ADN dans les cellules souches épithéliales. De nombreuses études ont confirmé la complexité de la pathogenèse de la MO et son association avec des lésions microvasculaires, des interactions hôte-microbiome, des altérations de la matrice extracellulaire et des médiateurs cellulaires impliqués dans la réaction inflammatoire : le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF-α), l’interleukine-1bêta (IL-1β), l’interleukine-6 (IL-6) et les cytokines pro-inflammatoires (9). 

 

Les grades de mucite orale

Les différents grades de MO sont expliqués par les différentes phases de modification épithéliale.

• Phase d’initialisation : altération des cellules et des brins d’ADN dans la sous-muqueuse épithéliale ; génération de radicaux libres responsables de dommages directs et indirects sur la muqueuse.

• Phase de réponse primaire à l’altération des cellules et de l’ADN : plusieurs facteurs de transcription sont surexprimés entraînant la production de cytokines pro-inflammatoires qui mènent à l’apoptose des cellules basales. 

• Phase d’amplification du signal : les lésions tissulaires sont alors accélérées et amplifiées par un feedback positif. Cet événement traduit la phase suivante d’ulcération. 

• Phase d’ulcération : ulcérations douloureuses sujettes à la colonisation puis surinfection bactérienne. Ceci va entraîner la production de cytokines pro-inflammatoires supplémentaires et aggraver les lésions tissulaires déjà installées. 

• Phase de cicatrisation : elle est généralement progressive et spontanée. Elle dépend de signaux de la matrice extracellulaire dont le mécanisme reste très mal connu.

 

Prévention et prise en charge

La sous-estimation des complexités biologiques qui interviennent dans la pathogenèse de la MO explique la difficulté d’identification jusqu’à présent d’un moyen pharmacologique efficace dans le traitement de la MO. Les stratégies de gestion de la MO sont encore rares, et le contrôle des symptômes associés (douleur, xérostomie, dysphagie, dysgueusie) est souvent insuffisant. 

Plusieurs études ont montré que la PBM était efficace pour prévenir l’OM chez les patients subissant une radio-chimiothérapie pour un cancer ORL. En empêchant l’apparition de cette toxicité, une séquence des réactions tissulaires potentiellement bénéfiques à l’homéostasie cellulaire peut être déclenchée et, par conséquent, le taux métabolique cellulaire, les fibres de collagène et la synthèse d’ADN et d’ARN peuvent augmenter. La PBM peut également induire l’angiogenèse et augmenter la libération de facteurs de croissance et stimuler l’activité des leucocytes, ce qui peut réduire la toxicité de la radio-chimiothérapie.

La PBM semble accélérer et assurer chaque phase du processus de cicatrisation qui caractérise la MO. La lumière rouge et proche infrarouge permet le renouvellement cellulaire par augmentation de la synthèse d’ATP, la réduction des radicaux libres (stress oxydant), la stimulation de la microcirculation locale par le NO (vasodilatateur), ce qui facilite la migration des cellules immunitaires vers le site endommagé. Après une courte augmentation de la production de ROS, l’inflammation est réduite par la libération de marqueurs anti-inflammatoires et l’infiltration des neutrophiles (10). 

 

Les études

Le groupe d’étude sur la mucite du Multinational Association of Supportive Care in Cancer and International Society for Oral Oncology (MASCC/ISOO) a identifié des études scientifiques de haut niveau de preuve dont les résultats étaient en faveur de la PBM en prévention de la mucite aiguë chez les patients subissant une radiothérapie ± chimiothérapie pour un cancer de la tête et du cou, un conditionnement pour une greffe de cellules souches hématopoïétiques (GCSH), une thérapie ciblée, voire une immunothérapie (11).

Dans l’ensemble des essais randomisés étudiant le bénéfice de la PBM dans la MO, on a constaté :

• une diminution de l’incidence de la mucite aiguë de grade ≥ 3, 

• une diminution de l’intensité de la douleur et de la consommation d’opioïdes, 

• ainsi qu’une amélioration de la qualité de vie. 

Certaines publications ont également suggéré :

• une réduction des besoins en nutrition artificielle, 

• et une amélioration du flux salivaire (12). 

Une revue systématique de la littérature suivie d’une méta-analyse suggérait que la PBM pourrait réduire la probabilité de développer une MO aiguë sévère en cours de radiothérapie de l’ordre de 64 % et serait associée à un rapport coût-efficacité favorable (13). 

 

Les recommandations

Les protocoles de PBM publiés par Zadik et al. en 2019 (14) (Tab. 1) ont été repris par MASCC/ISOO dans leurs recommandations en 2020 (11).

 

 

 

L’épithélite ou radiodermite aiguë 

Les causes et les symptômes

La radiodermite aiguë est le résultat de plusieurs processus : l’inflammation, l’apoptose des cellules épidermiques et la réduction du renouvellement des cellules endothéliales. Les réactions cutanées radio-induites se caractérisent souvent par œdème, érythème, pigmentation, fibrose et ulcération de la peau. Les signes et les symptômes se traduisent par de la douleur, de la chaleur, des brûlures et des démangeaisons cutanées. 

 

Prévention et prise en charge

La prévention et la prise en charge de la radiodermite aiguë recommandées par la MASCC consistent en la mise en œuvre de mesures d’hygiène quotidiennes et l’application de crèmes ou lotions hydratantes et des stéroïdes topiques (15). 

 

Les études

Dans plusieurs études, la thérapie PBM a montré une efficacité significative dans la prévention de la radiodermite pour le cancer du sein et le cancer de la tête et du cou. Le bénéfice de la PBM dans cette indication pourrait être expliquer par la diminution des cytokines inflammatoires et l’augmentation de la néo-vascularisation dans les lésions radio-induites. 

 

Les études

• Dans une étude récente in vivo, l’utilisation de la PBM a augmenté la prolifération des cellules dermiques (expression des gènes de prolifération : IL-10 et MMP9) et la néoangiogenèse (16).

• L’étude clinique pilote DERMIS réalisée par l’équipe belge du centre de recherche LowLight a comparé prospectivement deux groupes successifs de patientes traitées par radiothérapie adjuvante dans le cadre d’un cancer du sein. À la fin de la radiothérapie, le taux d’épithélite de grade ≥ 2 était significativement diminué dans le groupe PBM, ce qui suggérait l’efficacité de la PBM dans la prévention de l’épithélite (17). 

• Par la suite, l’essai contrôlé randomisé de phase III TRANSDERMIS a inclus 120 patientes traitées pour un cancer du sein pour confirmer l’efficacité suggérée par ce protocole de PBM avec une méthodologie plus robuste. À la fin de la radiothérapie, le taux d’épithélite de grade ≥ 2 ainsi que les scores de qualité de vie étaient significativement améliorés dans le groupe PBM ce qui confirmait le bénéfice de la PBM dans la prévention de la radiodermite aiguë dans la radiothérapie adjuvante du cancer du sein (18). 

• L’essai prospectif randomisé DERMISHEAD a évalué l’efficacité de la PBM dans la prévention de l’épithélite chez 46 patients ayant un cancer de la tête et du cou recevant une RT. L’utilisation de la PBM réduisait significativement le taux d’épithélite de grade ≥ 2 en fin de radiothérapie (77,8 contre 28,6 % dans le groupe PBM). L’essai DERMISHEAD soutenait donc la mise en œuvre de la PBM en pratique courante pour prévenir l’épithélite sévère en cas de radiothérapie dans la sphère ORL (19). 

 

D’autres essais cliniques randomisés sont attendus pour confirmer ces résultats, et surtout définir des protocoles précis de PBM applicables en routine clinique et évaluer l’intérêt de la PBM dans des indications plus larges que la radiothérapie du sein ou de la tête et du cou.

 

L’ostéonécrose 

Les causes 

L’ostéonécrose (ON) est une complication douloureuse sévère post-radiothérapie dans la sphère ORL (ostéoradionécrose (ORN)) ou post-administration de longue durée de bisphosphonates (alendronate, zolédronate), antiresorptifs (dénosumab) et antiangiogéniques (sunitinib, bévacizumab, etc.) (ostéochimionécrose de la mâchoire (MRONJ)) chez les patients néoplasiques qui subissent des interventions chirurgicales ou dentaires au niveau des os de la mâchoire. 

Le mécanisme sous-jacent de l’ON n’est toujours pas complètement clair. 

 

Prévention et prise en charge

Les options thérapeutiques pour l’ostéonécrose comprennent une bonne hygiène bucco-dentaire, l’utilisation d’un traitement pharmacologique (des antibiotiques, analgésiques), l’ablation chirurgicale en cas d’os exposé, l’oxygénothérapie hyperbare, la thérapie médicale à l’ozone, tériparatide (hormone parathyroïdienne humaine recombinante).

 

Effet de la photobiomodulation 

La PBM a été introduite récemment dans l’arsenal thérapeutique de l’ON. Grâce à son action biomodulatrice, la PBM peut être utilisée seule ou en combinaison avec des traitements antibiotiques et antibactériens comme outil préventif, antalgique ou palliatif, et comme support de traitements chirurgicaux avec ou sans application d’hémodérivés pour une meilleure cicatrisation.

 

Les études

• Une revue récente montre que la PBM peut jouer un rôle très important dans la prise en charge des patients à risque ou présentant un MRONJ. Pour les patients à risque, les applications de la PBM à visée biomodulante ont réduit le risque d’apparition de lésions nécrotiques chez les patients nécessitant des interventions mineures de chirurgie buccale. Chez les patients présentant un MRONJ, la PBM a apporté un bénéfice par la réduction de la douleur induite et par les effets antibactériens et stimulants à la fois sur l’os et sur les hémodérivés appliqués pour activer la cicatrisation du site chirurgical (20). 

• Plusieurs études ont démontré un effet bénéfique de la PBM dans la gestion de la MRONJ induite par les bisphosphonates. Une revue a conclu que l’utilisation de la PBM pourrait avoir un avantage significatif par rapport à la thérapie classique car le taux de réponse complète globale était de 55 % pour les patients ayant subi une PBM, alors qu’il n’était que de 30 % pour les patients recevant les soins classiques (21).

 

Des études cliniques prospectives pour chaque étiologie (ON radio-induite ou post-thérapie systémique) et pour chaque indication (préventive, curative et palliative) sont à mettre en place dans l’avenir.

 

Le lymphœdème

Prise en charge

La principale option thérapeutique pour le lymphœdème du membre supérieur est la thérapie décongestive combinée. 

 

Effet de la photobiomodulation 

Le rationnel biologique de l’efficacité de la PBM dans cette indication serait la stimulation de la lymphangiogenèse, l’amélioration de la motilité lymphatique et la réduction de la fibrose lymphostatique.

 

Les études

• Une méta-analyse sur données résumées apparue en 2017 a inclus onze essais cliniques, dont sept essais contrôlés randomisés. Les auteurs concluaient à l’existence de preuves solides (trois essais de haute qualité) en faveur de la supériorité de la PBM comparée à un placebo en termes de réduction de la circonférence et du volume du bras ; et de preuves modérées (un essai de haute qualité) suggérant que la PBM serait plus efficace que le placebo pour soulager la douleur associée au lymphœdème (22). 

• Dans un essai pilote randomisé contrôlé contre placebo, l’évaluation à 12 mois de l’efficacité de la combinaison PBM – thérapies décongestives suggérait une amélioration statistiquement significative des symptômes liés au lymphœdème et une augmentation de la mobilité du membre supérieur chez des patientes traitées pour cancer du sein (23).

 

Sur la base de ces données, la PBM peut être considérée comme variante possible dans la thérapie du lymphœdème mais les paramètres optimaux d’illumination restent à définir.

 

La neuropathie périphérique

Les causes

La pathogénie de la NPCI peut s’expliquer par le fait que les agents neurotoxiques provoquent des dommages à l’ADN mitochondrial, stabilisent ou déstabilisent la formation de microtubules ou ont un effet anti-angiogénique. Cependant, la physiopathologie exacte de la NPCI n’est toujours pas élucidée.

 

Prise en charge

Les stratégies de traitement de la neuropathie périphérique chimio-induite (NPCI) incluent principalement des thérapies médicamenteuses contre la douleur neuropathique (opioïdes, antidépresseurs tricycliques, anticonvulsivants, inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline et agents anti-inflammatoires non stéroïdiens) et des suppléments nutritionnels. La réduction de la dose ou l’arrêt de la chimiothérapie sont actuellement considérés comme la méthode la plus efficace de gestion de la NPCI. 

 

Les études

• Une étude in vitro a était réalisée récemment sur des cellules nerveuses afin de savoir si la PBM favoriserait l’activation précoce de leur apoptose, et il a été observé qu’elle favorisait plutôt une augmentation du nombre de ces cellules, mettant en évidence son action de biomodulation (24). 

• La seule étude randomisée avec deux groupes (PBM et placebo) est celle d’Argenta et al. qui a inclus 70 patients présentant une neuropathie périphérique et des antécédents d’exposition à une chimiothérapie à base de taxane/platine. Une réduction significative du score de neuropathie totale modifié (mTNS) a été observée dans le groupe PBM par rapport au groupe traité avec un laser fictif (25).

 

D’après les résultats d’une revue publiée en 2020, la PBM pourrait être une stratégie non invasive efficace dans la gestion des NPCI (26). Toutefois, les preuves actuelles sont limitées et il existe une grande hétérogénéité des paramètres utilisés dans les articles de recherche disponibles.

 

La récente étude pilote randomisée, contrôlée par placebo (NEUROLASER, ClinicalTrials.gov : NCT03391271) a évalué l’efficacité de la PBM dans la prévention des NPCI chez les patientes en cours de chimiothérapie adjuvante neurotoxique par taxanes (docétaxel ou paclitaxel) pour un cancer du sein. Le score mTNS a augmenté progressivement de manière significative dans le groupe témoin et dans le groupe PBM. La sévérité des symptômes liés à la NPCI était plus importante dans le temps dans le groupe contrôle versus groupe PBM. Pendant la surveillance post-traitement, le test “6 minutes de marche” a montré une diminution au niveau des douleurs dans le groupe PBM par rapport au groupe placebo (27).

 

Données de la littérature sur la sécurité d’utilisation de la PBM en oncologie

La littérature ne recense pas d’effets indésirables significatifs liés à la PBM. 

Les risques potentiels à long terme

Toutefois, il existe une controverse sur les risques potentiels à long terme de transformation maligne de cellules saines, de progression ou de récidive de la tumeur initiale, dont la prolifération des cellules tumorales pourrait être stimulée lorsque la PBM est appliquée sur le site de la tumeur ou très proche de celui-ci, essentiellement dans les cancers de la sphère ORL. Les données in vitro sur le comportement des cellules tumorales soumises à la PBM sont contradictoires et les données cliniques sur la sécurité de la PBM à long terme, rares (28, 29). 

 

Les études

Un essai de phase III, dont l’objectif principal était de réduire l’incidence des MO aiguës de grade ≥ 3 a randomisé 94 patients entre une PBM laser ou un laser fictif dans le cadre d’une radiothérapie conventionnelle plus cisplatine toutes les 3 semaines pour des carcinomes épidermoïdes de l’oropharynx, du nasopharynx et de l’hypopharynx. Après un suivi médian de 41,3 mois, le groupe avec PBM par rapport au groupe placebo avait :

• une meilleure réponse complète au traitement (89,1 versus 67,4 % ; p = 0,013), 

• une augmentation de la PFS (61,7 versus 40,4 % ; p = 0,030) 

• et une tendance à une meilleure survie globale (57,4 versus 40,4 % ;  p  =  0,90) (30). 

Ces résultats doivent être confirmés par une étude clinique ayant comme objectif principal la survie sans progression et la survie globale dans cette catégorie des patients.

 

Conclusions

Les progrès récents dans la compréhension des mécanismes d’action et des paramètres dosimétriques de la PBM ont accéléré le développement de celle-ci dans la prévention ou le traitement des effets secondaires des thérapies anticancéreuses. 

La diminution de l’incidence, la durée et/ou la gravité des toxicités aiguës ou séquellaires par cette thérapie émergente pourrait améliorer l’adhésion des patients aux traitements spécifiques, améliorer la qualité de vie, conduire à de meilleurs résultats thérapeutiques et réduire le coût des soins anticancéreux.

Les recommandations WALT (World Association of PBM Therapy) basées sur des données cliniques ou des consensus d’experts seront bientôt publiées et vont contribuer à l’amélioration et l’uniformisation de nos pratiques cliniques pour offrir les meilleurs soins de support à nos patients.

 

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en relation avec cet article.

 

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