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Fresenius Replay 2024
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Prise en charge des cancers du rein à cellules claires en 2022

Le défi de la première ligne métastatique, la place du traitement chirurgical et de l’adjuvant

La prise en charge des cancers du rein à cellules claires (ccRCC) a connu une évolution rapide ces dernières années. La découverte de l’action des inhibiteurs de checkpoints immunitaires ICI (anti Programmed death 1 = PD-1 et anti cytotoxic-T-lymphocyte antigen 4 = CTLA-4) a complètement révolutionné les thérapeutiques. Cette classe médicamenteuse, qui a d’abord été introduite en deuxième ou troisième ligne, est présente dans tous les traitements standard de première ligne aujourd’hui, soit via une double immunothérapie, soit en association avec les antiangiogéniques. En effet, plusieurs études en première ligne ont mené récemment à une refonte complète des recommandations de l’ESMO des ccRCC. Les ICI, du fait de leur profil de tolérance, ont détrôné les TKI, cependant, les résultats demeurent encore contradictoires dans les études en situation adjuvante. En phase métastatique, plusieurs questions restent en suspens : comment faire le choix le plus optimal pour le patient en première ligne et sur quels critères ? Comment envisager les lignes suivantes ?

 

Introduction

Épidémiologie

Les cancers du rein représentent 2 à 3 % des cancers actuellement en France avec une prédominance masculine et un âge médian au diagnostic de 65 ans. Plusieurs facteurs de risque ont été identifiés (en dehors de syndrome de prédisposition génétique) :

• l’hypertension artérielle,

• l’obésité,

• la tabagisme,

• l’exposition le plus souvent professionnelle au trichloroéthylène.

Le carcinome rénal à cellules claires est de loin le sous-type histologique le plus fréquent et la revue dans cet article se focalisera sur la prise en charge de ces tumeurs sans évoquer les autres types. Les patients se présentent avec des métastases d’emblée dans 15 à 20 % des cas et, a contrario, seuls 30 % environ rechutent après un traitement curatif, parfois de nombreuses années après.

 

Prise en charge

Les deux grandes familles de médicaments impliquées sont l’immunothérapie avec les inhibiteurs de points de contrôle immunitaire et les antiangiogéniques, et il y a depuis un rationnel à les combiner ensemble.

Dans cette mise à jour, seules les dernières évolutions seront discutées, sur fond des recommandations émises par la Société européenne de cancérologie mises à jour fin 2021. La situation du patient en première ligne de traitement de son carcinome rénal à cellules claires sera exposée, avec les différentes options actuelles, les pistes pour optimiser le choix du traitement et tendre vers sa personnalisation. La place de la chirurgie reste à considérer chez le patient métastatique même si, depuis l’étude CARMENA, la place de la néphrectomie est réduite. On donnera les actualités dans les traitements adjuvants du ccRCC côté immunothérapie, avec des résultats récents plutôt contradictoires, ne permettant pas de conclure à ce jour. Enfin, sans être exhaustif, on brossera les grandes voies de recherche sur le plan thérapeutique. Les carcinomes rénaux non à cellules claires ne seront pas abordés.

 

Traitement en première ligne métastatique

Critères pronostiques IMDC

Les critères de l’IMDC (International Metastatic Renal Cell Carcinoma Database Consortium), aussi appelés critères de Heng (1), sont utilisés dans les études cliniques et servent en pratique courante aussi à classer les patients présentant un cancer du rein à cellules claires métastatique selon le niveau de risque de décès en trois catégories :

• favorable (0 critère),

• intermédiaire (1 à 2 critères)

• ou défavorable (3 critères ou plus).

Des critères cliniques (Karnofsky < 80, délai entre le diagnostic et le traitement < 1 an) côtoient des critères biologiques (plaquettes > normale, polynucléaires neutrophiles > normale, calcémie corrigée anormale, hémoglobine < normale).

Ces groupes pronostiques ont été établis à partir de cohortes de patients à l’ère des thérapies ciblées et seront peut-être un jour revus, eux-mêmes dérivant des critères du MSKCC de l’ère pré-antiangiogéniques.

Le groupe de risque ainsi défini a une valeur pronostique et non prédictive. Le profil des patients, minoritaires, du groupe favorable, représente une sous-population particulière, avec souvent une évolution très lente de leur cancer du rein et une grande sensibilité aux antiangiogéniques. Certains aussi y instillent un peu plus de granularité en individualisant les “intermédiaires à un seul critère”, souvent le délai entre diagnostic et traitement.

 

Que disent les recommandations de l’European Society of Medical Oncology (ESMO) ?

Les recommandations ESMO ont été mises à jour fin 2021 avec les données actualisées des grandes études de phases III de combinaison ICI/ICI ou ICI/TKI (2).

La synthèse des recommandations en première ligne métastatique est présentée sur la figure 1, elles ont été établies sans tenir compte des autorisations et/ou du remboursement de ces traitements dans chaque pays et leur applicabilité peut donc différer selon le lieu de prise en charge du patient.

Figure 1 – Recommandations ESMO 2022 en première ligne.

En noir, les associations approuvées en France en 2022.

IMDC = International Metastatic Renal Cell Carcinoma Database Consortium.

Les combinaisons

L’ESMO recommande d’utiliser une combinaison en première ligne, quelle que soit la situation, en dehors bien sûr de contre-indications formelles à l’une des classes thérapeutiques et les experts s’accordent sur ce point.

Pour les patients de bon pronostic

Le choix se porte entre trois combinaisons ICI/TKI :

• pembrolizumab + axitinib,

• nivolumab + cabozantinib

• ou pembrolizumab + lenvatinib.

Pour les patients de pronostic intermédiaire ou défavorable

La quatrième combinaison nivolumab + ipilimumab n’est à considérer que chez les patients de pronostic intermédiaire ou défavorable depuis les résultats de l’étude CHECKMATE 214 (3) dans laquelle cette combinaison n’apportait pas de bénéfice, voire était potentiellement délétère chez ces patients versus un traitement par sunitinib.

Durée du traitement

Chose importante, il est proposé dans ces dernières recommandations de considérer l’arrêt du traitement au bout de 2 ans, à moduler selon la réponse obtenue.

Choix de la combinaison

Si aucune comparaison directe n’est possible entre ces combinaisons, qui avaient toutes comme bras de référence un traitement par monothérapie antiangiogénique (sunitinib et/ou pazopanib), l’étude des différents objectifs primaires et secondaires associés ainsi que des études en sous-groupe restent instructives et aident pour guider le praticien dans son choix. La connaissance des molécules, l’expérience par le clinicien de leur profil de toxicités et du management de ces dernières doivent aussi entrer en compte en plus des facteurs liés à la maladie et ceux liés au patient.

Les modalités de traitement

Les modalités de traitement de chacune des combinaisons sont détaillées ci-dessous avec les particularités à retenir. Les taux de réponse, dont les réponses complètes, la survie sans progression et le taux de toxicités grades 3/4 sont résumés dans un tableau synthétique (Tab. 1). On proposera quelques pistes pour certaines situations fréquentes.

Ipilimumab + nivolumab

L’étude CHECKMATE 214 (3) a inclus des patients présentant un carcinome rénal à cellules claires, quelle que soit la classe IMDC. Ils ont été randomisés 1 pour 1 entre le traitement de référence par sunitinib et l’association nivolumab 3 mg/kg + ipilimumab 1 mg/kg, 4 cycles puis nivolumab toutes les 2 semaines en monothérapie jusqu’à progression.

Les données de suivi actualisées à 5 ans confirmaient le bénéfice en survie globale, en survie sans progression dans les populations en intention de traiter pour le bras double immunothérapie, mais sans résultat significatif pour le groupe de patients IMDC favorable comme décrit initialement, ce qui explique que l’ESMO ne recommande pas ce traitement pour ces derniers.

Pembrolizumab + axitinib

L’essai KEYNOTE 426 (4) a randomisé les patients entre sunitinib et l’association axitinib 5 mg x 2 et pembrolizumab toutes les
3 semaines. L’actualisation après
42 mois de suivi a été publiée en 2021. 432 patients ont été inclus dans le bras pembrolizumab + axitinib tous scores IMDC.

Les résultats sont positifs en survie globale et en survie sans progression, le hazard ratio pour la survie sans progression est similaire si on exclut la population du groupe IMDC favorable.

C’est en pratique une association assez facile à manier, avec l’avantage d’une demi-vie courte de l’axitinib (12 heures environ) et d’une posologie adaptable facilement.

Nivolumab + cabozantinib

Dans CHECKMATE 9ER (5), le cabozantinib est dosé à 40 mg associé au nivolumab 240 mg toutes les 2 semaines. 323 patients ont été randomisés dans le bras cabozantinib + nivolumab, avec une actualisation des données de survie sans progression et de survie globale parue dans le New England Journal of Medicine en juin 2022.

Il n’y avait pas de signal de toxicité particulier de la combinaison, avec une attention à porter aux toxicités hépatiques et digestives.

Pembrolizumab + lenvatinib

Le lenvatinib était donné à 20 mg associé au pembrolizumab. L’étude CLEAR (6) comportait aussi un bras de traitement lenvatinib + évérolimus en plus du bras contrôle avec le sunitinib. 355 patients ont été traités dans le bras pembrolizumab + lenvatinib. Le profil de tolérance du lenvatinib est un peu différent de celui des autres TKI, outre le fait que les oncologues le connaissent moins dans le cancer du rein que l’axitinib ou le cabozantinib, qui étaient utilisés en lignes avancées.

Il faut être vigilant aux effets secondaires vasculaires et rénaux, notamment à la protéinurie, plus de 8 patients sur 10 ont expérimenté un grade 3 ou 4. Si les comparaisons directes ne peuvent être faites, le taux de réponse de 71 % et la médiane de survie sans progression de quasiment 2 ans sont impressionnants, et les résultats dans les carcinomes rénaux non à cellules claires dans une autre étude dédiée en feront une association à suivre assurément.

 

Quel traitement pour quel patient ?

Si cette question est clairement d’actualité, personne ne détient la réponse et les recommandations de l’ESMO (2) indiquent qu’il n’y a pas de combinaison TKI + ICI qui serait préférée. Quelques éléments, en plus de l’expérience du clinicien et de la disponibilité dans le pays du prescripteur, peuvent donner quelques pistes pour ce choix.

La classification pronostique

Si l’association double immunothérapie n’est pas recommandée chez les patients avec un score IMDC de 0, il faut noter que c’est une population plus rare qui représente moins de 20 % des patients inclus toutes études confondues. Les bénéfices en survie sans progression avec les associations ICI et TKI dans ce sous-groupe sont significatifs, mais ne se retrouvent pas encore en survie globale. Outre le plus faible nombre initial de patients, il y a aussi moins d’événements du fait du bon pronostic spontané. Dans la pratique courante, ces patients n’ont pas toujours été inclus dans les études, certains ont pu être surveillés ou traités par des chirurgies ou des traitements focaux, repoussant l’initiation d’un traitement systémique et les toxicités qu’il induit.

Les sites métastatiques (viscérales, os, cerveau) et la charge tumorale

• Chez les patients avec une forte masse tumorale et une présentation très bruyante au diagnostic, mais qui peuvent, s’ils ne sont pas inflammatoires, être considérés de pronostic intermédiaire, on proposera une combinaison ICI + TKI pour avoir une réponse rapide.

• Les patients ayant des localisations cérébrales d’emblée sont sous-représentés dans les essais d’enregistrement, la nécessité d’avoir une maladie contrôlée à l’étage cérébral compliquait clairement l’inclusion. Il y a actuellement un essai en cours du cabozantinib en L1 métastatique en monothérapie CABRAMET, le cabozantinib passant la barrière hémato-encéphalique. Les patients avec des métastases cérébrales d’emblée étaient exclus des essais en première ligne, ou alors après traitement spécifique et stabilité ce qui les sous-représentent dans les résultats.

• Dans CHECKMATE 214 (3), il est rapporté que les répondeurs à la double immunothérapie semblaient avoir une charge tumorale peu élevée, peu de sites métastatiques et peu de lésions osseuses.

Le sarcomatoïde

Sur la base des données des études de phase III/IV de combinaison ICI/ICI ou ICI/TKI (7), les patients avec une tumeur du rein ayant un contingent sarcomatoïde (donc recherché et reporté dans l’étude) représentent 7,9 % (CLEAR) à 17,9 % (KEYNOTE 426) des patients, ce pourcentage est donc probablement supérieur en vie réelle. Ce sous-type semble tirer un bénéfice important de l’immunothérapie alors qu’à l’ère des TKI en monothérapie il s’agissait d’une sous-population plutôt décrite comme associée à une évolution rapide et un mauvais pronostic. Les données post-hoc du bras ipilimumab + nivolumab dans CHECKMATE 214 font état d’un taux de réponse impressionnant de 61 % avec 19 % de réponse complète, ce doublet ICI/ICI est donc très intéressant pour ce sous-groupe.

Les biomarqueurs potentiels

• L’étude de phase II BIONIKK publiée en 2022 dans le Lancet Oncology (8) est la première à guider le traitement de première ligne selon le profil moléculaire. Le choix du traitement est effectué selon le sous-groupe moléculaire (sur quatre) sur la base des données transcriptomiques avec des profils plutôt angiogéniques, immunogéniques, ou mixtes. Même si les patients ont été traités avant les résultats des essais de combinaisons, les résultats sont prometteurs et démontrent l’intérêt de cette approche pour choisir la combinaison thérapeutique en L1.

• Les auteurs de l’essai atézolizumab + bévacizumab (9) ont également distingué des profils spécifiques dans la population incluse en utilisant une autre classification en sept sous-types obtenus en associant des données transcriptomiques, génomiques et cliniques.

Dans le futur, l’étude de ces sous-types permettra peut-être de ne pas sur-traiter certains patients au profil très angiogénique et, a contrario, d’intensifier certains dès le diagnostic.

Mieux que le doublet, le triplet ?

L’étude COSMIX 313

En septembre 2022, les résultats initiaux de l’étude COSMIC 313 (10) ont été présentés à l’ESMO. Il s’agit de la première étude à utiliser une combinaison (en l’occurrence nivolumab 3 mg/kg + ipilimumab 1 mg/kg pour 4 cycles) comme traitement de référence face à un triplet avec cabozantinib à la dose de 40 mg chez des patients de pronostic intermédiaire ou défavorable. 855 patients ont été inclus, dont trois quarts de pronostic intermédiaire et un quart de pronostic défavorable et randomisés 1 pour 1.

• La survie sans progression médiane n’était pas atteinte dans le bras triplet et de 11,3 mois (IC 95 % : 7,7-18,2) dans le bras ipilimumab + nivolumab. Le taux de réponse objective en intention de traiter selon le comité de revue indépendant était de 43 % (IC 95 % : 37,2-49,2) dans le bras triplet versus 36 % (IC 95 % : 30,1-41,8).

• Le profil de tolérance n’est pas anodin avec le bras triplet, sans signal particulier en dehors des toxicités connues de chaque classe, avec tout de même 73 % de grades 3/4 versus 41 % et 12 % des patients du groupe triplet ont arrêté l’ensemble des traitements pour toxicités lors des premières données présentées.

Les données ne sont pas encore suffisantes, notamment l’absence de données de survie globale, pour intégrer le triplet dans la stratégie en première ligne, peut-être en le réservant à des patients sélectionnés ? Plusieurs associations de patients ont aussi relativisé les résultats en regard de la toxicité observée et l’effet potentiel sur la qualité de vie dont les données n’ont pas encore été présentées. Dans tous les cas, il faudra discuter de ces enjeux avec le patient lors du choix de première ligne.

Les études à venir

D’autres études sont à venir (en cours de recrutement ou bientôt ouvertes) avec d’autres triplets intégrant d’autres ICI que l’ipilimumab. On peut citer par exemple les études avec un anti-TIGIT ou un anti-LAG3.

 

Place de la chirurgie aux stades métastatiques

Sur la place de la chirurgie, deux grandes questions se posent actuellement :

• la place de la chirurgie de la tumeur primitive lors du diagnostic de métastases synchrones

• et la place de la chirurgie des métastases.

L’étude CARMENA

Sur les avancées de ces dernières années, l’étude CARMENA (11), à l’ère du sunitinib en première ligne, a montré que, pour les patients atteints d’un cancer du rein métastatique à haut risque ou à risque intermédiaire, commencer un traitement par sunitinib n’était pas inférieur à une néphrectomie initiale suivie de sunitinib, remettant en cause le geste de néphrectomie cytoréductrice systématique initiale. La question de la néphrectomie en cas de symptômes locaux initiaux ou bien en cas de très bonne réponse au traitement doit se poser en RCP chez des patients sélectionnés.

L’étude CHECKMATE 214

Dans les analyses post-hoc sur le sous-groupe de patients n’ayant pas été néphrectomisés, la réponse de la lésion rénale cible était concordante avec la réponse des autres lésions, mais sans réponse complète (dans aucun des bras).

 

Au-delà de la première ligne

Les recommandations

Actuellement, une majorité de patients est traitée par une combinaison en première ligne. Si le choix d’un TKI chez des patients n’en ayant pas encore reçu, car traités par l’association nivolumab + ipilimumab en première ligne, s’impose, de fait, intellectuellement, pour les autres ayant reçu une combinaison ICI/TKI, l’enjeu sera de rechercher quelle séquence sera optimale. Les recommandations de l’ESMO (2) proposent un TKI qui n’a pas été donné antérieurement. Les taux de réponse sont autour de 20 %, et le niveau IIIB de recommandation est identique pour l’ensemble des molécules citées.

À suivre

Certaines études en cours cherchent à évaluer l’intérêt de la poursuite de l’immunothérapie lors de la deuxième ligne, comme l’étude CONTACT-03, qui randomise cabozantinib ± atézolizumab. La poursuite d’un anti-PD-1/L1 n’est donc pas recommandée en dehors d’un essai clinique. En plus de l’effet thérapeutique, il faudra aussi regarder du côté de la balance bénéfice/risque avec des toxicités surajoutées et également du côté de l’incidence financière qui ne pourra être négligée.

Il faut considérer l’inclusion dans un essai clinique à ce stade, soit pour aider à l’élaboration de la stratégie sur les séquences, soit pour tester de nouvelles molécules.

 

Nouveautés dans le traitement adjuvant

Plusieurs essais ont étudié l’effet d’un traitement par un TKI (ASSURE, S-TRAC, PROTECT, ATLAS, SORCE) ou l’évérolimus (EVEREST) ayant mené à l’approbation aux États-Unis du sunitinib en adjuvant suite au seul essai S-TRAC positif sur la survie sans maladie (mais pas en survie globale), mais en pratique courante aucune situation de prescription.

Depuis l’avènement des ICI et les signaux d’efficacité en métastatique, plusieurs essais ont été réalisés avec des anti-PD-1, PD-L1 ± anti-CTLA-4.

 

L’étude KEYNOTE-564

En 2021, le pembrolizumab a obtenu l’approbation de la FDA (Food and Drug Administration) et très récemment l’accord de l’EMA sur les résultats de l’étude KEYNOTE-564 (12) en adjuvant qui comparait en aveugle 17 cycles de 3 semaines de pembrolizumab versus placebo chez des patients ayant été opérés d’un carcinome rénal et étant à risque intermédiaire à élevé de récidive. Ce traitement n’est pas disponible en France pour le moment.

Dans cette étude, 994 patients ccRCC :

• soit de risque intermédiaire (pT2, grade 4 ou sarcomatoïde, N0 M0 ; ou pT3, tous grades)

• soit de haut risque (pT4, N0 ou N+ M0),

• mais aussi des patients opérés de leur tumeur primitive et de leur(s) métastase(s) synchrones ( < 1 an) et sans maladie résiduelle, appelés NED pour no evidence of disease. Cette dernière sous-population NED comptait pour 5,8 % des patients dans chaque groupe de traitement.

Résultats

La médiane de suivi était de 24,1 mois. Le critère principal n’était pas la survie, mais la survie sans maladie (SSM) selon l’investigateur et était positif avec un HR à 0,68 (IC 95 % : 0,53-0,87 ; p = 0,001). La SSM à 2 ans était de 77 % dans le groupe pembrolizumab versus 68 %. Le bénéfice était retrouvé dans l’ensemble des sous-groupes. Il n’y avait pas de bénéfice en survie observé pour l’instant du fait de la précocité de l’analyse par rapport aux événements. Une toxicité de grade 3 ou plus était survenue chez 18 % de patients sous pembrolizumab.

Les experts ayant élaboré les recommandations de l’ESMO, en l’absence de données robustes en survie globale chez tous les patients et selon les sous-groupes, demandent aux praticiens de prendre ces résultats avec prudence et attendent ceux des autres essais d’adjuvant pour se prononcer. Depuis ces recommandations, les espoirs ont été quelque peu douchés par les résultats négatifs de deux études d’adjuvant dans les ccRCC présentés lors de l’ESMO 2022.

 

L’étude CHECKMATE 914

CHECKMATE 914 partie A (13) comprenait seulement les patients traités par nivolumab + ipilimumab, avec un schéma différent du protocole habituel en phase avancée, versus placebo incluant 816 patients avec un suivi médian de 37,0 mois.

Motzer a présenté à l’ESMO en session plénière des résultats clairement négatifs… Sur le critère principal de survie sans maladie, le HR est à 0,92 (IC 95 % : 0,71-1,19). Il faut noter que 29 % des patients du bras ipilimumab + nivolumab ont arrêté le traitement du fait d’effets secondaires, ce qui est loin d’être négligeable sur une période de 6 mois.

 

L’étude IMmotion010

Dans l’étude de phase III IMmotion010 (14), l’atézolizumab était évalué versus placebo chez 778 patients.

Après un suivi médian de 44,7 mois, la survie médiane sans maladie selon les investigateurs était de 57,2 mois versus 49,5 mois dans le groupe placebo avec un HR à 0,93 (IC 95 % : 0,75-1,15), sans différence non plus en cas d’expression > 1% de PD-L1.

Plusieurs facteurs peuvent être discutés pour tenter d’expliquer ces résultats :

• la durée du traitement adjuvant trop réduite dans ces études les plus récentes,

• la dose intensité reçue avec la combinaison ipilimumab + nivolumab du fait des toxicités.

Cependant, les critères d’inclusion, et donc les populations ciblées, semblent similaires à ceux de la KEYNOTE-564 et la proportion de M1 NED dans l’étude avec le pembrolizumab ne peut expliquer à elle seule les résultats négatifs de ces deux études en adjuvant.

 

L’étude PROSPER

L’essai PROSPER (15) est également négatif avec le nivolumab donné en cure en néoadjuvant puis en adjuvant pour 9 cycles mensuels, mais avec plusieurs écueils méthodologiques, de plus cet essai a été arrêté en cours de route.

 

Perspectives

D’autres études sont en cours, avec des combinaisons d’ICI et certaines avec l’anti-HIF belzutifan, il faudra donc attendre les résultats à venir, à commencer par ceux de la cohorte B de la CHECKMATE avec nivolumab seul.

La possible arrivée d’un traitement adjuvant chez les patients à haut risque va poser la question de l’optimisation de la première ligne chez des patients rechutant malgré le traitement précédent par ICI en adjuvant. Il faudra bien sûr prendre en compte :

• le délai entre la fin du traitement adjuvant et la rechute,

• les critères initiaux ayant mené à la réalisation de l’adjuvant

• et le profil évolutif des sites métastatiques,

mais cela ne concerne pour l’instant que le fait de patients ayant reçu un traitement dans le cadre d’un essai thérapeutique en adjuvant et non en routine.

Les auteurs n’ont pas déclaré de liens d’intérêt.

 

Bibliographie

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3. Motzer RJ, Rini BI, McDermott DF et al. Nivolumab plus ipilimumab versus sunitinib in first-line treatment for advanced renal cell carcinoma: extended follow-up of efficacy and safety results from a randomised, controlled, phase 3 trial. Lancet Oncol 2019 ; 20 : 1370-85.

4. Powles T, Plimack ER, Soulières D et al. Pembrolizumab plus axitinib versus sunitinib monotherapy as first-line treatment of advanced renal cell carcinoma (KEYNOTE-426): extended follow-up from a randomised, open-label, phase 3 trial. Lancet Oncol 2020 ; 21 : 1563-73.

5. Motzer RJ, Powles T, Burotto M et al. Nivolumab plus cabozantinib versus sunitinib in first-line treatment for advanced renal cell carcinoma (CheckMate 9ER): long-term follow-up results from an open-label, randomised, phase 3 trial. Lancet Oncol 2022 ; 23 : 888-98.

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8. Vano YA, Elaidi R, Bennamoun M et al. Nivolumab, nivolumab-ipilimumab, and VEGFR-tyrosine kinase inhibitors as first-line treatment for metastatic clear-cell renal cell carcinoma (BIONIKK): a biomarker-driven, open-label, non-comparative, randomised, phase 2 trial. Lancet Oncol 2022 ; 23 : 612-24.

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11. Méjean A, Ravaud A, Thezenas S et al. Sunitinib alone or after nephrectomy in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med 2018 ; 379 : 417-27.

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13. Motzer RJ, Russo P, Gruenwald V et al. Adjuvant nivolumab plus ipilimumab (NIVO+IPI) vs placebo (PBO) for localized renal cell carcinoma (RCC) at high risk of relapse after nephrectomy: Results from the randomized, phase III CheckMate 914 trial. Ann Oncol 2022 ; 33 : S808-69.

14. Bex B, Uzzo R, Karam JA et al. IMmotion010: Efficacy and safety from the phase III study of atezolizumab (atezo) vs placebo (pbo) as adjuvant therapy in patients with renal cell carcinoma (RCC) at increased risk of recurrence after resection. Ann Oncol 2022 ; 33 : S808-69.

15. Allaf M, Kim SE, Harshman LC et al. Phase III randomized study comparing perioperative nivolumab (nivo) versus observation in patients (Pts) with renal cell carcinoma (RCC) undergoing nephrectomy (PROSPER, ECOG-ACRIN EA8143), a National Clinical Trials Network trial. Ann Oncol 2022 ; 33 : S808-69.