Dr Didier Mayeur
Oncologue médical, Centre Georges-François Leclerc, Dijon
Secrétaire général de l’AFSOS
Quelles sont les causes de l’anémie ?
L’anémie a des causes extrêmement fréquentes, à commencer par le cancer lui-même bien sûr, le syndrome inflammatoire lié à la maladie cancéreuse, les saignements au sein de métastases ou de la tumeur primitive ou encore les traitements. L’anémie chimio-induite reste un phénomène fréquent. Quand on dit “chimio-induite”, on pense aux chimiothérapies habituelles, mais on a aujourd’hui des tas d’anémies qui apparaissent avec les traitements dits “ciblés” et qui ne répondent pas toujours aux traitements habituels de l’anémie. Nous avons donc devant nous de nouveaux challenges qui vont apparaître et j’espère que des essais thérapeutiques seront mis en place avec peut-être des études un peu plus fondamentales afin de comprendre ces mécanismes.
Quelle prise en charge ?
L’anémie reste un problème courant et dont nous devons d’autant plus tenir compte que la ressource en globules rouges se restreint : il y a de moins en moins de donneurs et des groupes sanguins manquent. Il faut donc que nous soyons économes dans notre distribution de concentrés de globules rouges. Pour cela, il faut d’abord faire le diagnostic de l’anémie correctement, donc ne pas commencer un traitement sans avoir un bilan biologique initial exhaustif, à partir duquel on pourra, en fonction des critères du malade et de sa maladie, discuter, dans un premier temps, d’une supplémentation en fer ou en vitamines, voire d’un traitement par EPO, et, si nécessaire, d’une transfusion. Les Français sont habitués à transfuser à outrance. Soyons économes et, c’est un sujet qui va devenir important dans les mois à venir, envisageons même, pour ce qui est, en tout cas, de la partie chirurgicale, de mettre en place des programmes de PBM (Patient Blood Management) pour économiser la ressource en concentrés globulaires. Par ailleurs, il y a eu des polémiques concernant les agents stimulants en érythropoïèse, s’appuyant notamment sur des études un peu anciennes, avec de nombreux biais. Je crois qu’il ne faut pas avoir si peur de l’éventuelle hypothèse d’une prolifération tumorale favorisée par les EPO. Nous avons maintenant des études randomisées qui n’ont pas montré d’effet délétère de l’EPO en chimiothérapie adjuvante. La seule limite, en mon sens, est dans les cas de cancer du sein en situation néoadjuvante, il y a d’ailleurs une étude qui pose la question ; je crois qu’il vaut mieux éviter ces traitements dans ces situations-là. Autrement, on peut vraiment réfléchir et, surtout, réfléchir en anticipant, pour ne pas se retrouver à devoir transfuser parce qu’on n’a pas pensé en amont, alors que l’hémoglobine était encore relativement élevée. Parfois à 10 g, on peut déjà commencer à chercher la carence martiale, voire d’emblée, en fonction des situations.
Le mot de la fin
Deux mots dans l’anémie : anticiper et diagnostiquer.
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