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Les recommandations pour la pratique clinique de Saint-Paul-de-Vence 2021 – Quelles nouveautés dans le cancer de l’ovaire ?

Alors que le 20e cours francophone supérieur sur les cancers du sein & les cancers gynécologiques vient de se tenir à Saint-Paul-de-Vence, faisons un point sur les recommandations pour la pratique clinique (RPC) 2021 du cancer de l’ovaire et comment elles ont mis au point certaines pratiques (1).

Résumé

Tous les 2 ans, les recommandations de Saint-Paul-de-Vence sur les cancers gynécologiques sont mises à jour. En 2021, le cancer de l’ovaire est mis à l’honneur tant en ce qui concerne la prise en charge initiale que les traitements à la rechute. La chirurgie de cytoréduction a une place essentielle, en première ligne comme lors de la rechute tardive. La chimiothérapie standard par carboplatine paclitaxel s’accompagne dorénavant, peu importe le statut BRCA1/2, d’un entretien par inhibiteurs de PARP, en première ligne et à la rechute.

Abstract

Saint-Paul-de-Vence recommendations on gynecological cancers

Saint-Paul-de-Vence recommendations on gynecological cancers are updated every two years. In 2021, newly diagnosed and relapsed ovarian cancers were highlighted. Surgical cytoreduction is the main objective in newly diagnosed ovarian cancer but also in late relapse when possible. Standard chemotherapy with carboplatin paclitaxel is now followed regardless of BRCA1/2 status by a PARP-inhibitor maintenance, in newly diagnosed and relapses.

Traitement chirurgical du carcinome épithélial de haut grade de l’ovaire stade FIGO I à II

La prise en charge initiale

La prise en charge initiale comprend une stadification chirurgicale complète, par laparotomie médiane, sans rupture de la masse tumorale (Recommandation de grade B). Un abord cœlioscopique est faisable, sans rupture de la masse.

La stadification chirurgicale

Une stadification chirurgicale complète comprend :

• une cytologie péritonéale,

• des biopsies péritonéales multiples dans différents quadrants en incluant les coupoles diaphragmatiques, les gouttières pariétocoliques, le pelvis,

• une annexectomie bilatérale,

• une appendicectomie (optionnelle),

• une omentectomie infra-colique,

• une hystérectomie (option : curetage endo-utérin).

Les curages ganglionnaires

Les curages ganglionnaires pelvien et aortico-cave sont indiqués uniquement en cas d’adénopathie suspecte à l’imagerie préopératoire ou de découverte peropératoire.

Un curage peut être proposé dans un second temps en cas de mutation de BRCA1/2 ou de test HRD positif, car il peut en découler une indication d’anti-PARP en maintenance en cas de stade IIIA.

En cas de stadification incomplète

En cas de stadification incomplète, une reprise ne doit être envisagée que si elle peut apporter une modification du schéma thérapeutique.

La recherche de variant pathogène des gènes BRCA1/2

Les RPC 2021 rappellent que pour tout cancer infiltrant de haut grade de l’ovaire, à l’exception des carcinomes mucineux, il est nécessaire de faire une recherche de variant pathogène (classes IV et V) des gènes BRCA1/2.

 

Traitement de première ligne du cancer de l’ovaire de stade avancé

Cela concerne uniquement les tumeurs de l’ovaire, de la trompe et du péritoine de haut grade correspondant à des carcinomes séreux de haut grade, carcinomes endométrioïdes de haut grade, carcinomes indifférenciés et carcinosarcomes.

La chirurgie

La chirurgie complète première

En cas de carcinome épithélial de haut grade FIGO IIIB, IIIC ou IVA, le standard est la chirurgie complète première. Cette chirurgie est à réaliser en centre expert, de préférence (Niveau 1 grade A).

En cas d’impossibilité de résection complète

En cas d’impossibilité de résection complète d’emblée après évaluation chirurgicale par une équipe entraînée, ou en cas de contre-indication médicale ou anesthésique à une chirurgie immédiate, une chimiothérapie néoadjuvante est proposée. Toute indication de chimiothérapie néoadjuvante doit être discutée au préalable en RCP spécialisée (Niveau 1 grade A).

Trois ou quatre cycles de chimiothérapie néoadjuvante seront réalisés avant la chirurgie. Le délai entre le dernier cycle de chimiothérapie néoadjuvante et la chirurgie doit être de 4 semaines maximum. Le délai de reprise de la chimiothérapie après la chirurgie doit être de 4 semaines (Niveau 1 grade A).

Les stades IVB

Les stades IVB sont une indication de chimiothérapie néoadjuvante. Si elle permet la disparition des images définissant la situation métastatique, une chirurgie complète de la carcinose intra-
abdominale peut être proposée
(Avis d’expert).

La CHIP et la PIPAC

La CHIP est possible en situation d’intervalle à trois cures, selon OVHIPEC. Il n’y a pas d’indication en prise en charge initiale de la PIPAC (Avis d’expert).

La chimiothérapie

La chimiothérapie standard est une chimiothérapie comprenant du carboplatine AUC ≥ 5 et du paclitaxel 175 mg/m2/3H, réalisée tous les 21 jours, avec ou non ajout de bévacizumab (Niveau 1 grade A).

Patientes âgées et/ou fragiles

En cas de patientes âgées et/ou fragiles, on peut réaliser un schéma hebdomadaire avec du carboplatine AUC2 et du paclitaxel 60 mg/m2 (Niveau 2 grade B).

En standard, la chimiothérapie intra-péritonéale n’est pas recommandée (Niveau 2 grade B).

Le schéma dose dense carboplatine AUC ≥ 5 tous les 21 jours et paclitaxel 80 mg/m2 hebdomadaire 3 semaines sur 4 n’est pas recommandé (Niveau 1 grade A).

En cas d’allergie au paclitaxel

En cas d’allergie au paclitaxel, on peut réaliser une association carboplatine + docétaxel (hors AMM).

En cas de neuropathie limitante

En cas de neuropathie limitante, on peut réaliser une association carboplatine + doxorubicine liposomale pégylée (hors AMM) (Niveau 2 grade B).

Nombre de cures de chimiothérapie (Niveau 2 grade B)

• Après chirurgie complète première : six cures.

• Après chirurgie d’intervalle à trois ou quatre cycles de chimiothérapie néoadjuvante : deux à quatre cycles (pour un total de six à huit).

• Chirurgie d’intervalle ne pouvant être réalisée qu’après six cycles : compléter par deux cycles (pour un total de huit).

Place du bévacizumab

En postopératoire

En postopératoire, le bévacizumab sera introduit en association au carboplatine et paclitaxel pour les stades avancés FIGO III B, III C et IV, avec un délai d’au moins 28 jours après la chirurgie. En cas d’anastomose digestive ou de complications postopératoires non résolues à cette date, le bévacizumab ne pourra débuter qu’au deuxième cycle de chimiothérapie postopératoire (Niveau 1 grade A).

Les vraies contre-indications du bévacizumab

• AVC et infarctus du myocarde récents

• Thromboses artérielles

• Troubles de la cicatrisation post-chirurgicaux

• HTA malignes

En néoadjuvant

En néoadjuvant, le bévacizumab peut être introduit dès le premier cycle de chimiothérapie. En revanche, il ne doit pas être fait au cycle précédant la chirurgie intervallaire (Niveau 2 grade B).

Modalités du traitement par bévacizumab selon l’AMM

• Durée totale : 15 mois, soit 22 cycles de 21 jours.

• Posologie : 15 mg/kg tous les 21 jours.

Les inhibiteurs de PARP

En cas de mutation BRCA germinale ou somatique

Traitement de maintenance par olaparib pour les carcinomes séreux ou endométrioïdes de haut grade, de stade FIGO III ou IV, en réponse complète ou partielle à l’issue de la chimiothérapie pour une durée maximale de 2 ans (Niveau 1 grade A).

Recommandation étendue pour toutes les tumeurs ovariennes malignes mutées BRCA (Avis d’expert).

En cas de mutation BRCA germinale ou somatique, ou en cas de test HRD positif

Traitement de maintenance par olaparib et bévacizumab pour les carcinomes de haut grade, de stade FIGO III ou IV, en réponse complète ou partielle à l’issue de la chimiothérapie associée au bévacizumab (Niveau 1 grade A). La durée sera de maximum 15 mois pour le bévacizumab et 2 ans pour l’olaparib.

En cas d’absence de mutation BRCA

Traitement de maintenance par niraparib (en ATU) pour les carcinomes séreux de haut grade, de stade FIGO III ou IV, non éligibles au bévacizumab, en réponse complète ou partielle à l’issue de la chimiothérapie (Niveau 1 grade A). La durée sera de maximum 3 ans.

 

Surveillance post-thérapeutique

Les RPC de Saint-Paul-de-Vence 2021 recommandent (Niveau 3 grade C) :

• un examen clinique à 3, 6, 12, 18, 24 mois puis une fois par an ;

• un dosage du CA 125, si élevé initialement, à chaque consultation, et imagerie si élévation ;

• une imagerie d’emblée (scanner thoraco-abdomino-pelvien, IRM), si CA 125 non élevé initialement.

Il est possible d’intensifier la surveillance en cas de chirurgie initiale complète et d’état général conservé : imagerie à 6 mois puis tous les 6 mois pendant 5 ans, puis tous les ans.

 

Cancer de l’ovaire en rechute tardive

Définition de la rechute tardive : rechute ≥ 6 mois après la première ligne à base de sels de platine.

Envisager la chirurgie première à la première rechute tardive

L’indication d’une chirurgie première dans cette situation est à discuter au cas par cas en RCP spécialisée, avec comme objectif la résection complète. La chirurgie doit être réalisée par une équipe entraînée. Elle sera toujours suivie d’une chimiothérapie complémentaire (Niveau 1 grade A).

Trois essais randomisés de phase III ont analysé la place de la chirurgie première à la première rechute tardive platine sensible.

L’essai DESKTOP III

L’essai DESKTOP III a randomisé 407 patientes entre chimiothérapie de seconde ligne et chirurgie de cytoréduction suivie de chimiothérapie de seconde ligne (2). Les patientes devaient respecter les critères AGO :

• performans status (PS) 0 ou 1,

• volume d’ascite < 500 ml

• et résection complète à la chirurgie initiale.

Soixante-quinze pour-cent de résection complète ont été obtenus. L’analyse a montré un bénéfice en survie globale (SG) et en survie sans progression (SSP) avec une SG médiane de 53,7 contre 46,2 mois pour la chimiothérapie seule (HR = 0,76) et une SSP médiane de 18,4 contre 14 mois (HR = 0,65). Il n’y avait pas de différence entre les deux groupes en ce qui concernaient les effets indésirables de grade 3/4.

L’essai GOG 213

L’essai GOG 213 a randomisé 485 patientes entre chimiothérapie de seconde ligne et chirurgie de cytoréduction suivie de chimiothérapie de seconde ligne (3).

Soixante-sept pour-cent de résection complète ont été obtenus. Il n’a pas été retrouvé de bénéfice en SG.

L’essai SOC-1

Enfin, l’essai chinois SOC-1 a randomisé 357 patientes (4). Il utilisait un score de probabilité de résécabilité chirurgicale appelé l’international model (iMODEL) fondé sur six variables (FIGO I-II, chirurgie complète initiale, intervalle sans platine > 16 mois, bon état général, CA 125 < 105 à la récidive, absence d’ascite).

Un bénéfice en SSP a été retrouvé avec une médiane de 17,4 contre 11,9 mois sans chirurgie (données de SG non matures).

Les critères d’éligibilité

La sélection des patientes éligibles à cette chirurgie se fait sur des critères stricts (2) :

• première récidive sensible au platine (intervalle libre de ≥ 6 mois) ;

• score AGO positif, c’est-à-dire présence des trois critères : PS 0 ou 1, résection complète à la chirurgie initiale, ascite < 500 ml ;

• résection complète possible.

Choisir le traitement médical de la première rechute tardive

Le choix se base sur quatre critères fondamentaux :

• la patiente : âge, comorbidités, toxicités antérieures, séquelles, choix personnel et qualité de vie ;

• les traitements antérieurs : nombre de lignes antérieures, anti-
angiogéniques, inhibiteurs de PARP ;

• la maladie : type histologique et grade, statut BRCA et HRD, profil moléculaire si disponible, délai de rechute, symptômes (présence d’ascite par exemple) ;

• les traitements envisagés : schémas, profils de tolérance, chirurgie ou non, obtention d’une AMM, d’un remboursement.

Le choix est d’abord guidé par la présence ou non d’une mutation BRCA1/2. Puis, le choix se fait selon les traitements reçus antérieurement (Fig. 1-3).

Figure 1 – Cancer de l’ovaire en première rechute tardive BRCA sauvage.

Figure 2 – Cancer de l’ovaire en première rechute tardive avec mutation de BRCA1 ou 2.

 

Figure 3  – Cancer de l’ovaire en première rechute tardive : critères de choix entre bévacizumab et inhibiteur de PARP.

Choisir le traitement médical à la deuxième rechute tardive

Le traitement recommandé est décrit sur la figure 4.

Figure 4 – Cancer de l’ovaire en deuxième rechute tardive.

 

Cancer de l’ovaire en rechute précoce

Définition de la rechute précoce : comprend les maladies réfractaires et résistantes :

• réfractaire au platine : progression pendant la dernière ligne de traitement par sel de platine ou dans les
4 semaines suivant la dernière administration de sels de platine ;

• résistant au platine : rechute entre 1 et 6 mois après la dernière administration de sels de platine.

La chirurgie

En l’absence d’études publiées sur la chirurgie dans cette situation, celle-ci n’est pas recommandée. Elle se discute dans un but palliatif, au cas par cas.

La monochimiothérapie

En cas de rechute précoce, il y a une indication d’une monochimiothérapie (Niveau 2 grade A ou B), à laquelle on adjoint du bévacizumab si non reçu antérieurement (Niveau 1
grade A)
(5).

Il n’y a pas d’indication à l’immunothérapie en dehors des essais cliniques (Niveau 1 grade A).

L’introduction des soins de support doit se faire le plus tôt possible (Grade A).

La chimiothérapie peut être, au choix, de la doxorubicine liposomale pégylée (DLP), du paclitaxel hebdomadaire, du topotécan ou de la gemcitabine.

Il n’y a pas de preuve de la supériorité d’un protocole en termes d’efficacité. Le taux de réponse objective est de 10 à 30 %. La survie sans récidive attendue est de 3 à 5 mois et la survie globale de 6 à 19 mois.

Ajout du bévacizumab

L’essai randomisé de phase III AURELIA a testé l’ajout de bévacizumab à la chimiothérapie dans cette situation (5).

L’étude était positive sur son critère de jugement principal, la SSP, avec une médiane significativement améliorée à 6,7 mois avec l’ajout du bévacizumab contre 3,4 mois. Le bénéfice n’était pas significatif sur la survie globale, qui était un objectif secondaire. Il s’agissait de patientes en grande majorité non prétraitées par antiangiogénique.

L’immunothérapie

Les études comme JAVELIN Ovarian 200 ou NINJA ayant testé l’immuno-
thérapie en rechute résistante au platine ont présenté des résultats négatifs (6, 7).

 

Quid du rechallenge des inhibiteurs de PARP ?

Une petite digression des recommandations de Saint-Paul-de-Vence pour parler d’actualités récentes en ce qui concerne le rechallenge des inhibiteurs de PARP dans le cancer de l’ovaire en rechute. L’étude OReO/ENGOT Ov-38, présentée à l’ESMO 2021 par Éric Pujade-Lauraine, est une étude de phase III, randomisée, en aveugle qui incluait des patientes en rechute, ayant antérieurement reçu un entretien par inhibiteur de PARP en première ou seconde ligne. Les patientes recevaient un entretien par olaparib ou placebo après réponse à une chimiothérapie à base de platine.

Dans la première cohorte, qui comportait les patientes avec mutation de BRCA1/2, il a été montré un bénéfice en SSP, et notamment un bénéfice à long terme avec par exemple un taux de SSP à 1 an de 19 % dans le groupe olaparib versus 0 % dans le groupe placebo.

Le même bénéfice était retrouvé dans le groupe non muté BRCA1/2, avec un taux de SSP à 1 an de 14 versus 0 %.

Il ne reste plus qu’à identifier les patientes qui en bénéficieront le plus.

Les recommandations de Saint-Paul-de-Vence sont accessibles en libre accès sur le site du groupe GINECO : arcagy.org/gineco/2522.

Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.

Bibliographie

1. ARCAGY GINECO. Recommandations Saint-Paul-de-Vence 2021. Disponible sur : arcagy.org/gineco/2522.

2. Du Bois A; Sehouli J, Vergote I et al. Randomized phase III study to evaluate the impact of secondary cytoreductive surgery in recurrent ovarian cancer: Final analysis of AGO DESKTOP III/ENGOT-ov20. J Clin Oncol 2020 ; 38 : 6000.

3. Coleman RL, Spirtos NM, Enserro D et al. Secondary surgical cytoreduction for recurrent ovarian cancer. N Engl J Med 2019 ; 381 : 1929-39.

4. Shi T, Zhu J, Feng Y et al. Secondary cytoreduction followed by chemotherapy versus chemotherapy alone in platinum-sensitive relapsed ovarian cancer (SOC-1): a multicentre, open-label, randomised, phase 3 trial. Lancet Oncol 2021 ; 22 : 439-49.

5. Pujade-Lauraine E, Hilpert F, Weber B et al. Bevacizumab combined with chemotherapy for platinum-resistant recurrent ovarian cancer: The AURELIA open-label randomized phase III trial. J Clin Oncol 2014 ; 32 : 1302-8.

6. Pujade-Lauraine E, Fujiwara K, Dychter SS et al. Avelumab (anti-PD-L1) in platinum-resistant/refractory ovarian cancer: JAVELIN Ovarian 200 Phase III study design. Future Oncol 2018 ; 14 : 2103-13.

7. Omatsu K, Hamanishi J, Katsumata N et al. Nivolumab versus gemcitabine or pegylated liposomal doxorubicin for patients with platinum-resistant (advanced or recurrent) ovarian cancer: Open-label, randomized trial in Japan (NINJA trial). Ann Oncol 2020 ; 31 : S611.