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Fresenius Replay 2024
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ESMO 2022 – Soins oncologiques de support

L’essentiel en un clin d’œil

Dans ce résumé, nous avons choisi de vous parler :

•  des difficultés à mettre en place un programme d’activité physique adaptée (APA) efficace ;

•  d’une méthode originale qui a permis d’obtenir un consensus dans la gestion des toxicités des anti-PARP ;

•  de nouvelles méthodes de gestion des toxicités des chimiothérapies avec les gonyautoxines et le Jianpi-Bushen ;

•  de prophylaxie de nausées-vomissements induits par les traitements anticancéreux avec notamment la quadruple association “dexaméthasone-sétron de deuxième génération-anti-NH1-olanzapine” ;

•  et d’une interaction mal connue entre enzalutamide et oxycodone.

 

TOP 1 – Activité physique adaptée

La pratique d’une activité physique adaptée (APA) est devenue en quelques années un standard de la prise en charge des patients atteints de cancer, cependant la mise en place d’un programme d’APA reste complexe. Une étude européenne a évalué les freins et leviers des programmes d’APA chez les patientes atteintes d’un cancer du sein. Une étude allemande a par ailleurs montré les limites de l’APA chez les patients recevant une chimiothérapie à risque neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie (NPIC).

Freins et leviers des programmes d’APA : enquête dans cinq pays européens

Cette étude européenne a étudié les gains attendus de l’APA par les patientes et la manière de surmonter les obstacles afin de mettre en œuvre avec succès des programmes d’APA chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique.

Méthode

Il s’agissait d’une enquête transversale menée dans 13 centres aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne, en Espagne et en Suède. Les données recueillies portaient sur les connaissances des patientes concernant l’APA et leurs attentes en termes d’efficacité. Il a été recherché les obstacles et les facilitateurs à la participation aux programmes d’APA.

Résultats

Au total, 420 patientes ont répondu à l’enquête, elles étaient âgées en moyenne de 56 ans et 70 % présentaient des métastases osseuses. Soixante-cinq pour-cent (65 %) ont déclaré se sentir aptes pour s’engager dans des exercices aérobies et seulement 34 % pour s’engager dans des “entraînements en résistance”. Dans l’ensemble, les patientes s’attendaient à ce que les programmes d’APA possèdent de nombreux avantages. Cependant, quelques-unes craignaient que les programmes d’APA augmentent leur douleur (5 %) ou leur fatigue (4 %). Les obstacles les plus fréquents étaient : la crainte de se sentir trop fatiguée (22 %) et/ou trop faible (23 %) et de ne pas avoir accès à un programme d’APA adapté pour les patients atteints de cancer (26 %). Les facteurs facilitants étaient les expériences physiques (70 %) et émotionnelles (66 %) positives antérieures liées à l’activité physique ainsi que les conseils personnalisés d’un physiothérapeute (60 %). Les patientes étaient plus intéressées par la marche et préféraient faire de l’exercice dans une salle de sport publique, un cabinet de physiothérapie ou à l’extérieur (Fig. 1).

Figure 1 – Lieux préférés pour la pratique de l’activité physique.

À retenir

Les auteurs concluent qu’une proportion non négligeable (deux tiers) de patientes disent se sentir aptes à faire de l’activité physique régulièrement, comme les recommandations actuelles le préconisent. Les auteurs conseillent de faire bénéficier les patientes de conseils personnalisés, une attention particulière doit être donnée à la prise en charge financière de ce type d’activité.

• Sweegers M et al. Perspectives of patients with metastatic breast cancer on exercise interventions: Results from a survey in five European countries. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1554MO.

Effets de l’activité physique sur la qualité du sommeil et la fatigue pendant une chimiothérapie à risque de neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie

L’objectif de cette étude était de déterminer si un entraînement sensorimoteur et un entraînement en résistance peuvent améliorer la qualité du sommeil et la fatigue pendant une chimiothérapie à risque de neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie (NPIC).

Méthode

Au total, 170 patients atteints de cancer recevant une chimiothérapie neurotoxique ont été randomisés dans le bras intervention ou dans le bras soins courants. Dans le bras intervention, les patients avaient, trois fois par semaine (105 min/sem), un entraînement sensorimoteur et un “entraînement en résistance”. La qualité du sommeil (PSQI), la fatigue (MFI) et les symptômes de NPIC (EORTC CIPN20) ont été évalués à baseline, tous les 3 mois et après le dernier cycle de chimiothérapie.

Résultats

La qualité du sommeil restait inchangée au cours de la chimiothérapie dans les deux groupes. En revanche, la fatigue générale, physique et mentale a augmenté dans les deux groupes entre baseline et la fin du traitement (p < 0,05) (Fig. 2). Les analyses en intention de traiter (n = 159) n’ont montré aucune différence entre les groupes. Des analyses exploratoires per-protocole ont montré que la fatigue augmentait moins dans le bras intervention chez les pratiquants qui ont un taux de participation à l’entraînement ≥ 67 % (n = 89).

Figure 2 – Évolution de la fatigue et de la qualité du sommeil.

À retenir

Dans cette population à haut risque de développer une NPIC, la qualité du sommeil ne semble pas être modifiée par l’activité physique. Un entraînement sensorimoteur et un entraînement en résistance chez les patients observants permettrait d’atténuer plusieurs dimensions de la fatigue.

• Müller J et al. Effects of exercise on sleep quality and cancer-related fatigue during neurotoxic chemotherapy. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1555MO.

 

TOP 2 – Méthode DELPHI et gestion des inhibiteurs de PARP

Les inhibiteurs de PARP (PARPi) font désormais partie des options thérapeutiques pour les patients atteints de cancers de l’ovaire, du sein, de la prostate et du pancréas. L’utilisation pratique des PARPi reste sous-optimale, notamment à cause de la gestion inadéquate des événements indésirables et de l’observance. Des recommandations portant sur la gestion de cette classe thérapeutique permettraient d’améliorer cet état de fait. Les résultats complets de ce travail ont été publiés récemment (1).

Méthode

Un groupe d’experts français a utilisé la méthode Delphi afin d’obtenir un consensus portant sur la gestion des PARPi. Un comité de pilotage pluridisciplinaire de 17 experts (oncologues, infirmiers, pharmaciens, représentants d’associations de patients) a d’abord rédigé des assertions permettant d’optimiser la gestion des PARPi. Ces assertions ont ensuite été soumises au vote indépendant et anonyme de cliniciens (panélistes) impliqués dans la prise en charge de patients sous PARPi. Les assertions ont été scindées selon les sujets suivants :

• initiation et traitement ;

• prise en charge des événements indésirables ;

• populations et situations spécifiques ;

• communication avec le patient ;

• adhérence au traitement.

Résultats

Après trois tours de scrutin des 61 panélistes, 49/52 (94 %) assertions ont obtenu un consensus. Les 21 assertions liées aux soins de support (19/21 ont obtenu un consensus) sont présentées dans cette communication (Tab. 1). Il comprend notamment des recommandations à ne pas utiliser d’agents stimulant l’érythropoïèse (ASE) ou de facteurs de stimulation des colonies de granulocytes hématopoïétiques (G-CSF) pour traiter l’anémie et la neutropénie liées au PARPi. Les antinauséeux peuvent être utilisés pour soulager les événements indésirables gastro-intestinaux de grade 1. Les événements indésirables gastro-intestinaux de grade ≥ 2 doivent être pris en charge par une interruption du traitement et/ou une réduction de dose.

À retenir

Ce travail est le premier consensus Delphi portant sur l’utilisation pratique de PARPi, il devrait permettre d’aider à la prise en charge des événements indésirables des PARPi, améliorant ainsi l’observance et préservant la qualité de vie des patients.

1. Selle F et al. Practical management of PARP inhibitors: A French DELPHI consensus. Bull Cancer ; Epud ahead of print.

• Selle S et al. Optimizing the management of PARP inhibitors in clinical practice: Results of a DELPHI French consensus. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1577P.

 

TOP 3 – Gestion de la toxicité des chimiothérapies

De nouvelles méthodes de gestion des toxicités des chimiothérapies ont été présentées à l’ESMO cette année. Les gonyautoxines ont montré une activité prometteuse dans le traitement de la neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie (NPIC). Le Jianpi-Bushen (JPBS), une formule en médecine traditionnelle chinoise, a montré son efficacité notamment dans le taux d’achèvement de la chimiothérapie par CAPOX. Le célécoxib pourrait prévenir les syndromes main-pied à la capécitabine. Et enfin, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) pourraient prévenir la néphrotoxicité au cisplatine.

Efficacité des gonyautoxines (GTX) sur les symptômes de la neuropathie périphérique induite par la chimiothérapie

Les auteurs proposaient d’étudier les gonyautoxines (GTX) sur les symptômes de NPIC à type de troubles de la sensibilité superficielle.

La GTX est une phycotoxine présente dans les coquillages. Il a été démontré que les GTX (formulation topique) améliorent la douleur et les troubles de la sensibilité liés à la neuropathie périphérique secondaire aux médicaments anti-VIH.

Méthode

Un essai multicentrique a été mené. La première phase (P1) de cet essai a inclus des patients avec une NPIC de grade ≥ 2 secondaire aux taxanes (cohorte 1) et à d’autres antinéoplasiques (cohorte 2). L’évaluation de l’efficacité du traitement a été réalisée par le test au monofilament de Semmens-Weinstein (TMSW) (utilisé notamment en diabétologie pour dépister les troubles de la sensibilité superficielle). La phase 2 (randomisée versus placebo) n’est pas présentée ici.

Résultats

Au total, 21 patients ont été inclus (C1 = 11 et C2 =10), 60,8 % étaient des femmes atteintes d’un cancer du sein ou gynécologique. Tous les patients avaient un TMSW altéré à baseline. Une amélioration des troubles de la sensibilité superficielle a été observée chez 53 % des patients dans la C1 et chez 33 % dans la C2 (Fig. 3). Respectivement, 18,2 et 10 % avaient un test TMSW normal après 4 semaines dans la C1 et la C2.

Figure 3 – Efficacité de la gonyautoxine sur les symptômes NPIC.

Dans l’ensemble, la GTX a été bien tolérée et sans interruption de traitement.

À retenir

Les GTX ont montré une activité prometteuse dans le traitement du NPIC, en particulier chez les patients traités par taxane.

• Dias M et al. Phase II trial evaluating effect of gonyautoxins (GTX), a paralytic shellfish poisoning (PSP) on objective and subjective symptoms of chemotherapy-induced peripheral neuropathy (CIPN). Ann Oncol 2022 ; 33 : 1557MO.

Jianpi-Bushen, une formule en médecine traditionnelle chinoise, améliore le taux d’achèvement de chimiothérapie adjuvante dans le cancer du côlon

Le taux d’achèvement de la chimiothérapie adjuvante dans le cancer du côlon est faible en vie réelle (estimé entre 50 à 60 %). Or la baisse de la dose-intensité est potentiellement associée à de moins bons résultats en termes de survie sans maladie. La formule Jianpi-Bushen (JPBS) d’herbes de médecine traditionnelle chinoise permettrait de réduire les effets secondaires induits par la chimiothérapie et ainsi d’améliorer ce taux d’achèvement.

Méthode

Un essai contrôlé randomisé versus placebo a été mené entre octobre 2018 et novembre 2021 dans 12 centres en Chine. Les critères d’inclusion étaient : patients atteints d’un cancer du côlon de stades II et III opérés pour qui il est prévu une chimiothérapie adjuvante par CAPOX. Un total de 400 patients ont été randomisés 1:1 dans le groupe JPBS (prise orale x 2/j pendant toute la période de chimiothérapie) ou dans le groupe placebo.

Le critère de jugement principal était le taux d’achèvement des cycles de chimiothérapie planifiés.

Résultats

Au total, 376 patients (189 dans le groupe JPBS et 187 dans le groupe placebo) ont été inclus dans l’analyse per-protocole. Respectivement 119 (63 %) et 89 (47 %) patients du groupe JPBS et du groupe placebo ont terminé tous les cycles de chimiothérapie prévus, la différence était significative (p = 0,003). De plus, les patients du groupe JPBS ont connu moins de réduction de dose de capécitabine que ceux du groupe placebo (59,3 contre 73,1 % ; p = 0,004) et il y avait moins de NVCI sévères dans le groupe JPBS que dans le groupe placebo (3,8 contre 6,4 % ; p = 0,007).

À retenir

La formule JPBS a montré son efficacité dans le taux d’achèvement de la chimiothérapie par CAPOX et dans la réduction de la dose de chimiothérapie.

• Sun L et al. Traditional Chinese medicine jianpi-bushen formula enhancing completion rate of adjuvant chemotherapy for stage II and III colon cancer: A multi-center randomized placebo-controlled clinical trial in China. Ann Oncol 2022 ; 33 : 391P.

Prophylaxie des syndromes main-pied

Le syndrome main-pied (SMP) et la réaction cutanée main-pied (RCMP) sont des toxicités courantes de plusieurs traitements anticancéreux. La RCMP induite par un inhibiteur de kinase se distingue de la SMP induite par la chimiothérapie en termes de pathogenèse, de symptomatologie et de traitement. Plusieurs essais ont étudié l’efficacité de stratégies préventives telles que les inhibiteurs de la COX, la pyridoxine et la crème d’urée, mais il n’y a aucun consensus actuellement. L’objectif de cette méta-analyse était d’évaluer les données d’essais de bonne qualité afin de fournir des preuves solides et ainsi formuler des recommandations visant à prévenir le SMP/RCMP induit par les traitements du cancer.

Méthode

Une recherche systématique dans Pubmed, Embase, Cochrane, des bases de données d’essais cliniques et une recherche manuelle ont été utilisées pour identifier les essais randomisés (ECR) étudiant les stratégies prophylactiques pour le SMP/RCMP chez les patients atteints de cancer recevant un traitement. Les essais publiés jusqu’en août 2021 ont été inclus. À l’aide du modèle à effets aléatoires, les odds ratio (OR) ont été calculés pour les taux de SMP/RCMP tous grades confondus et graves.

Résultats

Seize ECR ont été inclus (n = 2 814). Pour les SMP/RCMP tous grades, le célécoxib (OR = 0,52 ; IC 95 % = 0,32-0,85 ; p = 0,009) et la crème d’urée (OR = 0,48 ; IC 95 % = 0,39-0,60 ; p < 0,00001) ont tous les deux montré une réduction du risque statistiquement significative. Le célécoxib a été efficace dans la prévention du SMP chez les patients ayant reçu capécitabine (50,5 contre 65 % ; p = 0,05), la crème d’urée a été efficace à la fois dans le SMP à capécitabine (22,3 contre 39,5 % ; p = 0,02) et dans le RCMP induit par sorafénib (54,9 contre 71,4 % ; p < 0,00001). La pyridoxine à des doses plus élevées a montré une tendance vers un bénéfice dans la prévention du SMP de tous grades (69,6 contre 74,1 % ; p = 0,23) (Fig. 4).

Figure 4 – SMP/RCMP : forest plot des trois traitements préventifs étudiés.

À retenir

La crème d’urée et le célécoxib seraient efficaces pour prévenir le SMP/RCMP de tous grades chez les patients recevant un traitement du cancer. Le célécoxib serait plus efficace pour la prévention du SMP induit par la capécitabine et la crème d’urée pour le RCMP induit par le sorafénib. Les preuves sont insuffisantes pour formuler des recommandations concernant la pyridoxine.

• Pandy JG et al. Prophylactic strategies for hand-foot syndrome/skin reaction associated with systemic cancer treatment: A meta-analysis of randomized controlled trials. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1579P.

Les inhibiteurs de la pompe à protons pour prévenir la néphrotoxicité au cisplatine

La néphrotoxicité du cisplatine résulte de l’accumulation rénale de cisplatine via le transporteur de cations organiques 2 (OCT2). Or, les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont connus pour inhiber l’activité de l’OCT2. L’objectif de cette étude était d’évaluer l’effet des IPP sur la néphrotoxicité chez les patients atteints d’un cancer de la tête et du cou.

Méthode

Les données des patients, ayant reçu une radiothérapie en association avec du cisplatine, ont été analysées rétrospectivement. L’utilisation d’IPP, la créatinine sérique et les valeurs de DFG ont été recueillies. Les patients qui ont reçu des IPP pendant au moins 1 semaine au cours de la chimio-radiothérapie et qui avaient un DFG > 60 avant la chimio-radiothérapie ont été inclus dans l’étude. L’insuffisance rénale aiguë a été déterminée selon les critères diagnostiques de KDIGO et RIFLE.

Résultats

Au total, 65 patients ont été inclus dans l’étude. La majorité d’entre eux étaient atteints d’un cancer du larynx (n = 22 ; 34 %) et d’un cancer du nasopharynx (n = 22 ; 28 %). Trente-cinq d’entre eux (54 %) ont utilisé des IPP pendant la chimio-radiothérapie, 30 (46 %) n’ont pas utilisé d’IPP. Une insuffisance rénale aiguë s’est développée chez quatre patients (11 %) utilisant des IPP, et chez dix patients (30 %) qui n’en utilisaient pas (p = 0,032).

À retenir

Ces résultats suggèrent que l’administration d’IPP avec le cisplatine pourrait prévenir sa néphrotoxicité. Les résultats de cette étude sont à valider dans un essai prospectif.

• Ugur T et al. Effect of combined use of proton pump inhibitors with cisplatin on platinum nephrotoxicity. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1580P.

 

TOP 4 – Nausées-vomissements induits par les traitements anticancéreux

Les deux études présentées ont montré d’une part que la quadruple association “dexaméthasone-sétron de deuxième génération-anti-NH1-olanzapine” est le schéma le plus efficace en prévention des nausées et vomissements induits par les traitements anticancéreux (NVITAC) des chimiothérapies hautement émétisantes, d’autre part qu’un fauteuil de massage électrique permet de préserver la qualité de vie et de réduire les NVITAC chez les patients à haut risque émétique.

Efficacité de la quadruple association dans la prophylaxie des NVITAC des chimiothérapies hautement émétisantes : résultats d’une méta-analyse

Plusieurs schémas de prophylaxie des NVITAC sont disponibles en pratique clinique. Or les données comparatives directes sont insuffisantes. L’objectif de cette étude était de comparer l’efficacité de toutes les combinaisons utilisées pour prévenir les NVITAC induits par les chimiothérapies hautement émétisantes (HEC).

Méthode

Les essais contrôlés randomisés (ECR) publiés dans Pubmed, Embase et Cochrane Library jusqu’au 1er octobre 2021 ont été inclus dans cette méta-analyse. Le critère de jugement principal était la réponse complète globale (définie comme l’absence de NVITAC jusqu’à 120 heures après la chimiothérapie). Les critères de jugement secondaires étaient le taux de réponse sur les NVITAC aiguës (< 48 heures après la chimiothérapie) et les NVITAC retardées (48 à 120 heures) ainsi que les événements indésirables (EI).

Résultats

Au total, 41 ECR (15 575 patients) ont été inclus dans cette méta-analyse. Les schémas antiémétiques ont été classés en 18 groupes différents (Fig. 5). D’une manière générale, la quadruple association “dexaméthasone-sétron de deuxième génération-anti-NH1-olanzapine” s’est montrée le schéma le plus efficace en termes de réponse complète. A contrario, les schémas contenant la combinaison  “dexaméthasone-sétron” ont confirmé leur faible efficacité en matière de prophylaxie des NVITAC.

Figure 5 – NVITAC : forest plot des 18 groupes de protocoles antiémétiques.

À retenir

La quadruple association “dexaméthasone-sétron de deuxième génération-anti-NH1-olanzapine” montre la meilleure efficacité en termes de réponse complète.

• Filetti M et al. Efficacy of antiemetic regimens for highly emetogenic chemotherapy-induced nausea and vomiting: A network meta-analysis. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1576P.

Effet d’un fauteuil de massage électrique sur les NVITAC

Cette étude coréenne avait pour objectif d’évaluer le rôle clinique d’un fauteuil de massage électrique pour soulager les NVITAC. Cette méthode de massothérapie avait montré son efficacité en matière d’amélioration de qualité de vie (dimensions physique et émotionnelle).

Méthode

Un essai en cross-over (patient comme son propre témoin) randomisé de phase II (Fig. 6) a été mené sur des patients atteints d’un cancer qui devaient recevoir une chimiothérapie modérément ou hautement émétisante (HEC/MEC). Les patients étaient randomisés dans le groupe A (soins standard) ou dans le groupe B (soins standard et massothérapie avec un fauteuil de massage électrique) au cours de leur premier cycle de chimiothérapie. Un cross-over était ensuite réalisé au cycle suivant. La Rhodes Index of Nausea, Vomiting and Retching (INVR) scale et le questionnaire EORTC-QLQ-C30 ont été utilisés.

Figure 6 – Rôle clinique d’un fauteuil de massage électrique : design de l’essai en cross-over.

Résultats

Au total, 59 patients ont terminé le protocole et ont été inclus pour l’analyse. Quarante-trois patients (72,88 %) ont reçu une MEC et 16 (27,12 %) ont reçu une HEC. Le score INVR au premier cycle de chimiothérapie était de 2,76 dans le groupe A et de 3,63 dans le groupe B (p = 0,5367). L’échelle fonctionnelle de l’EORTC-QLQ-C30 avait été améliorée après massothérapie dans les deux groupes, quels que soient les cycles (+2,1 en premier cycle et +3,8 en deuxième cycle). En analyse de sous-groupe, le score INVR était amélioré dans le groupe massothérapie chez les patients à haut risque émétique (premier cycle 4,78 versus 4,083 et deuxième cycle 2,78 versus 3,58) (Fig. 7).

Figure 7 – Rhodes Index of Nausea, Vomiting and Retching (INVR) scale chez les patients à risque de NVITAC en fonction des groupes.

À retenir

Les auteurs concluent que le fauteuil de massage électrique permet de préserver la qualité de vie et réduire les NVITAC chez les patients à haut risque émétique.

• Kim JW et al. The effect of electric massage chair on chemotherapy-induced nausea and vomiting in cancer patients. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1290P.

 

TOP 5 – Douleur, prostate et interactions médicamenteuses

Dans le chapitre « interactions médicamenteuses », cette étude s’est intéressée au lien plutôt méconnu entre enzalutamide et oxycodone.

Les patients atteints d’un cancer de la prostate résistant à la castration (CPRC) développeront souvent des métastases symptomatiques nécessitant une prise en charge par antalgique. D’une part, l’enzalutamide (ENZ) est un antagoniste des récepteurs aux androgènes largement utilisé pour le traitement du CPRC, mais il est un puissant inducteur du cytochrome P450 (CYP) 3A4. D’autre part, l’oxycodone est un opioïde métabolisé principalement par le cytochrome P450 (CYP) 3A4 et CYP2D6. Compte tenu de cette induction du CYP3A4 par ENZ, l’objectif de l’étude était de montrer qu’ENZ réduisait les effets antalgiques de l’oxycodone.

Méthode

Les auteurs ont mené une étude prospective avec deux bras parallèles chez des hommes atteints d’un CPRC. Les patients du bras 1 ont été traités par ENZ 160 mg une fois par jour pendant au moins 40 jours ;
les patients du bras contrôle 2 n’ont pas été traités par ENZ. Tous les patients ont reçu une dose orale unique de 15 mg d’oxycodone à libération normale, suivie d’un prélèvement sanguin 8 heures après son administration. Les concentrations plasmatiques d’oxycodone et ses métabolites (noroxycodone, oxymorphone et noroxymorphone) ont été quantifiées à l’aide d’une méthode validée. La différence de moyenne géométrique de la concentration plasmatique maximale (C
max) et de l’aire sous la courbe (AUC0-8h) entre les bras a été calculée (Fig. 8).

Figure 8 – Forest plot résumant les effets de enzalutamide sur la PK d’oxycodone.

Résultats

Au total, 27 patients ont été inclus. Dans le bras ENZ (n = 13) et dans le bras contrôle (n = 13), l’AUC0-8h et la Cmax de l’oxycodone étaient respectivement diminuées de 44,7 % (p < 0,001) et de 35,5 % (p = 0,004). De la même manière, l’AUC0-8h et la Cmax du métabolite actif oxymorphone étaient respectivement diminuées de 74,2 % (p < 0,001) et de 56,0 % (p = 0,001). En revanche, ENZ a augmenté l’AUC0-8h et la Cmax du métabolite inactif dépendant du CYP3A4 noroxycodone (différences de 61,2 % ; p = 0,001 et de 78,2 % ; p = 0,001) et du métabolite inactif noroxymorphone (différences de 45,0 % ; p = 0,032 et de 59,8 % p = 0,027).

À retenir

L’enzalutamide diminue l’exposition à l’oxycodone et à l’oxymorphone, son métabolite actif. Cette interaction est potentiellement cliniquement pertinente au vue des résultats de cette étude. En attendant des résultats d’une étude clinique, la prescription d’un opioïde non métabolisé par le CYP3A4 (comme la morphine) peut être proposée chez les patients traités par enzalutamide.

• Detert Oude Weme S et al. Assessment of the pharmacokinetic interaction of enzalutamide with oxycodone in men with prostate cancer: The ENZYME study. Ann Oncol 2022 ; 33 : 1619P.

Nicolas Jovenin déclare avoir de liens d’intérêt avec GSK, Vifor, Astellas.