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Fresenius Replay 2024
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L’essentiel en un clin d’œil

• Lors du congrès de l’ESMO, l’oncologie thoracique a été à l’honneur avec plusieurs sessions orales, de nombreux posters et des résultats impactant nos pratiques, sélectionnés préférentiellement dans ce top 5.

 

TOP 1 – Démonstration du rôle de la pollution aux particules fines dans la carcinogenèse chez le non fumeur

L’association entre la pollution et les cancers bronchopulmonaires est largement étudiée, mais, jusqu’à présent, les mécanismes biologiques de cette association n’étaient pas explorés de façon précise et expérimentale, en particulier chez le non fumeur pour éviter l’interférence du risque lié au tabagisme.

L’étude

La pollution particulaire désigne un mélange de particules solides et de gouttelettes liquides présentes dans l’air. L’étude présentée lors du congrès combinait une approche épidémiologique, sur une population de près de 500 000 individus recrutés au Royaume-Uni, en Corée du Sud et à Taïwan, une approche expérimentale, dans des modèles pré-cliniques, et une approche clinique.

Résultats

Ces trois approches aboutissent respectivement à (Fig. 1) :

• une association entre l’exposition à des concentrations de plus en plus fortes de particules fines d’un diamètre de 2,5 micromètres (μm) (PM2,5) dans l’air et un risque accru de cancer bronchique non à petites cellules avec mutation activatrice de l’EGFR, observé principalement chez les non fumeurs ;

• une démonstration que ces mêmes particules (PM2,5) créaient les conditions d’apparition d’un cancer en générant une inflammation du tissu pulmonaire, favorisant ainsi la sécrétion d’interleukine 1β responsable de la transformation des cellules épithéliales non tumorales en cellules souches cancéreuses ;

• une démonstration que les mutations de l’EGFR, mais aussi de KRAS, peuvent être observées dans le tissu pulmonaire non tumoral, alors que le concept historique était que celles-ci étaient constamment associées au développement d’un cancer invasif ; ces mutations étaient observées dans plus de la moitié des biopsies de tissu pulmonaire sain et sont interprétées comme une conséquence du vieillissement.

Figure 1 – A. Risque de cancer bronchopulmonaire EGFR muté en fonction du niveau annuel de PM2,5. B. Prolifération de clones EGFR-mutés en fonction de la concentration de PM2,5. C. Croissance de cellules souches en fonction de la pollution et de la présence d’une mutation de l’EGFR.

À retenir

L’interprétation de ces données est un modèle de carcinogenèse fondée sur l’apparition de mutations oncogéniques, nécessaire, mais non suffisante, et induite par l’exposition aux PM2,5.

• Swanton C et al. Mechanism of action and an actionable inflammatory axis for air pollution induced non-small cell lung cancer: Towards molecular cancer prevention. Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA1.

 

TOP 2 – Données de long terme avec l’immunothérapie en première ligne

Des résultats actualisés des essais de phase III ayant évalué la chimio-immunothérapie en première ligne des cancers bronchiques non à petites cellules métastatiques ont été présentés lors du congrès.

Les études KEYNOTE-189 et KEYNOTE-407

L’étude KEYNOTE-189 (Fig. 2) avait mis en évidence la supériorité du pembrolizumab associé au carboplatine et pémétrexed versus une chimiothérapie seule, en situation d’histologie non épidermoïde.

Figure 2 – KEYNOTE-189 : design de l’étude.

À 5 ans de suivi, le bénéfice se maintient, avec pour la survie globale un HR à 0,60 (IC 95 % = 0,50-0,72) et un taux de survie à 5 ans de 19,4 % (versus 11,3 % avec la chimiothérapie seule) (Fig. 3). La chimio-immunothérapie était plus efficace quel que soit le niveau d’expression de PD-L1, même si la probabilité d’être vivant à 5 ans restait dépendante de celui-ci : 30 % en situation de PD-L1 ≥ 50 %, 20 % en situation de PD-L1 1-49 %, et 10 % en situation de PD-L1 négatif.

Figure 3 – KEYNOTE-189 : survie globale et survie sans progression.

Dans l’étude équivalente en situation d’histologie épidermoïde (KEYNOTE-407) (Fig. 4), l’actualisation des résultats a montré des données similaires. Pour la survie globale, l’HR était de 0,71 (IC 95 % = 0,59-0,85), et le taux de survie à 5 ans de 18,4 % (versus 9,7 % avec la chimiothérapie seule) (Fig. 5).

Figure 4 – KEYNOTE-407 : design de l’étude.

Figure 5 – KEYNOTE-407 : survie globale et survie sans progression.

Dans ces essais, il apparaît qu’un taux de PD-L1 négatif est associé, dans ce contexte, à une survie à long terme plus limitée que celle de la population globale de ces essais, même si le bénéfice par rapport à la chimiothérapie seule était significatif : médianes de survie sans progression de 2,4 et de 7,1 mois, et médianes de survie globale de 9,6 et de 10,7 mois, respectivement dans les essais KEYNOTE-189 – pour les carcinomes non épidermoïdes, et KEYNOTE-407 – pour les carcinomes épidermoïdes.

L’étude POSEIDON

L’étude POSEIDON était un essai de phase III ayant testé le durvalumab ± trémélimumab en association avec la chimiothérapie, versus chimiothérapie seule, dans une population toutes histologies (Fig. 6).

Figure 6 – POSEIDON : design de l’étude.

Les résultats à 4 ans

Les résultats actualisés à 4 ans ont confirmé la supériorité du quadruplet versus chimiothérapie en survie globale (HR = 0,75 ; 0,63-0,88), ainsi que pour l’association durvalumab + chimiothérapie versus chimiothérapie (HR = 0,84 ; 0,71-0,99) (Fig. 7). L’association durvalumab-trémélimumab semblait efficace même en cas de mutation STK11, mutation KEAP1 – situation pour lesquelles les associations de chimiothérapie et immunothérapie par pembrolizumab montrent une moindre efficacité à long terme, mais de manière plus importante en cas de mutation KRAS, d’expression de PD-L1 négative, et de sous-type non épidermoïde.

Figure 7 – POSEIDON : survie globale.

• Garassino M et al. FRESCO-2: KEYNOTE-189 5-year update: First-line pembrolizumab (pembro) + pemetrexed (pem) and platinum vs placebo (pbo) + pem and platinum for metastatic nonsquamous NSCLC. Ann Oncol 2022 ; 33 : 973MO.

• Novello S et al. 5-year update from KEYNOTE-407: Pembrolizumab plus chemotherapy in squamous non-small cell lung cancer (NSCLC). Ann Oncol 2022 ; 33 : 974MO.

• Johnson M et al. Durvalumab (D) ± tremelimumab (T) + chemotherapy (CT) in 1L metastatic (m) NSCLC: Overall survival (OS) update from POSEIDON after median follow-up (mFU) of approximately 4 years (y). Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA59.

 

TOP 3 – Optimiser l’immunothérapie en première ligne

La question de la stratégie d’immunothérapie en première ligne, en situation d’expression de
PD-L1 ≥ 50 % reste posée, avec des essais cliniques comparatifs en cours entre immunothérapie seule et immunothérapie combinée à la chimiothérapie.

L’étude EMPOWER-Lung 1

Design de l’étude

L’essai de phase III EMPOWER-Lung 1 testait le cémiplimab (inhibiteur ciblant PD-1) en première ligne versus chimiothérapie à base de sels de platine.

Les résultats

La médiane de survie globale était de 23,4 mois avec le cémiplimab versus 13,7 mois avec la chimiothérapie (HR = 0,64 ; IC 95 % = 0,52-0,76). L’originalité de l’essai résidait dans la possibilité, dans le bras cémiplimab, en cas de progression sous traitement, de le poursuivre en introduisant la chimiothérapie à base de sels de platine. Cette stratégie a été conduite chez 64 des 168 (40 %) patients progresseurs sous cémiplimab, sans randomisation et à discrétion de l’investigateur.

Le taux de réponse objective était de 31,3 %, la survie sans progression médiane de 6,6 mois (efficacité proche de la première ligne) avec une survie globale médiane de
15,1 mois à partir du début de seconde ligne, ce qui semble effectivement supérieur à la durée attendue.

À retenir

Finalement, cette stratégie combinée pourrait représenter une synthèse des deux stratégies possibles en cas d’expression de PD-L1 ≥ 50 %, en réservant la combinaison chimiothérapie et immunothérapie aux patients rapidement progresseurs sous immunothérapie seule.

La durée nécessaire des traitements par inhibiteurs de point de contrôle n’est pas vraiment connue. Les essais thérapeutiques princeps décrits ci-dessus avaient proposé des traitements jusqu’à progression ou pour un maximum de 5 ans puis de 2 ans, sans qu’il y ait de rationnel scientifique à ces limites.

L’étude DICIPLE

Design de l’étude

L’essai de phase III DICIPLE, promu par l’Intergroupe francophone de cancérologie thoracique, a randomisé les patients répondeurs à 6 mois sous immunothérapie de première ligne par nivolumab et ipilimumab, pour comparer un bras arrêtant le traitement et ne le reprenant qu’en cas de rechute, versus un bras contrôle recevant le traitement jusqu’à progression ou toxicité inacceptable. À la progression, les patients du bras continuation recevaient un traitement de seconde ligne au choix de l’investigateur (avec, fortement recommandée, une chimiothérapie à base de platine) alors que les patients du bras discontinuation reprenaient la double immunothérapie. Au total, 265 patients ont été inclus avec un taux de randomisation de 27 % (71 patients stables ou répondeurs à 6 mois sans toxicité).

Les résultats

En termes de toxicité, la stratégie de stop and go permettait de réduire d’un facteur 10 les effets secondaires (3 versus 29 %).

En termes d’efficacité, la survie sans progression médiane dans le bras expérimental était de 35 mois versus 21 mois dans le bras standard.

À retenir

Ces données montrent la possibilité de durées de traitement plus courtes, sans signal délétère en termes de survie.

• Zalcman G et al. Nivolumab (Nivo) plus ipilimumab (Ipi) 6-months treatment versus continuation in patients with advanced non-small cell lung cancer (aNSCLC): Results of the randomized IFCT-1701 phase III trial. Ann Oncol 2022 ; 33 : 972O.

• Ozguroglu M et al. Three years survival outcome and continued cemiplimab (CEMI) beyond progression with the addition of chemotherapy (chemo) for patients (pts) with advanced non-small cell lung cancer (NSCLC): The EMPOWER-Lung 1 trial. Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA54.

 

TOP 4 – Le ciblage de KRAS en seconde ligne

Les mutations de KRAS sont fréquentes, étant observées chez près de 30 % des patients atteints de cancer bronchique non à petites cellules. Parmi celles-ci, la mutation G12C représente environ 50 % des cas, et est l’objet du ciblage par le sotorasib, molécule ayant la capacité de bloquer KRAS dans sa forme inactive.

L’étude CodeBreaK 200

L’étude CodeBreaK 200 a comparé le sotorasib au docétaxel (molécule standard dans cette indication) en situation de cancer bronchique non à petites cellules métastatique avec mutation de KRAS G12C, antérieurement traité par sels de platine et immunothérapie. Le schéma est celui d’une étude de phase III randomisée (Fig. 8), en ouvert ; l’étude comportait un cross-over dans le bras docétaxel avec la possibilité de recevoir le sotorasib en troisième ligne. Au total, 345 patients ont été randomisés.

Figure 8 – CodeBreaK 200 : design de l’étude.

Résultats

L’objectif principal de l’essai a été atteint, avec une amélioration significative de la PFS en faveur du sotorasib (HR = 0,66 ; IC 95 % = 0,51-0,86 ; p = 0,002) (Fig. 9 et 10). Le taux de PFS à 1 an est de 24,8 % dans le bras sotorasib et de 10,1 % dans le bras docétaxel. En termes de toxicité, le profil de tolérance était bien entendu différent entre les deux options, avec des troubles digestifs (diarrhées, nausées et perte d’appétit) et des effets biologiques hépatiques, mais un taux d’effets secondaires de grade 3 ou plus de 33 % avec le sotorasib.

Figure 9 – CodeBreaK 200 : survie sans progression.

Figure 10 – CodeBreaK 200 : survie globale.

À retenir

Ces données confirment l’efficacité du sotorasib, standard actuel de traitement pour les situations KRAS G12C, dès la seconde ligne.

• Johnson M et al. Sotorasib versus docetaxel for previously treated non-small cell lung cancer with KRAS G12C mutation: CodeBreaK 200 phase III study. Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA10.

 

TOP 5 – Bénéfice de long terme de l’osimertinib en situation adjuvante

L’étude ADAURA

L’essai randomisé de phase III ADAURA avait été présenté précédemment, conduisant à démontrer le bénéfice de l’osimertinib comme traitement adjuvant standard pour les patients avec un cancer bronchique non à petites cellules réséqué de stades II à IIIB (huitième classification TNM), avec mutation activatrice commune de l’EGFR. L’osimertinib a reçu un avis favorable au remboursement en France, sur la base de ces résultats. Les données actualisées ont été présentées lors du congrès.

Design de l’étude

L’étude a randomisé 682 patients opérés de stades IB à IIIA (selon la TNM septième édition), et a comparé un groupe traité par un placebo à un groupe avec un traitement de 3 ans par osimertinib (80 mg par jour) (Fig. 11). Le critère de jugement principal était la survie sans récidive pour les patients atteints de tumeurs de stades II à IIIA.

Figure 11 – ADAURA : design de l’étude.

Résultats

Après un suivi supplémentaire de 2 ans, dans la population de patients atteints de tumeurs de stades II à IIIA (septième classification TNM), la réduction du risque de récidive était de 77 % (HR = 0,23 ; IC 95 % = 0,18-0,30) ; le taux de survie sans progression à 3 ans était de 84 % avec l’osimertinib et de 34 % avec le placebo, et à 4 ans de respectivement 70 % et 29 % (Fig. 12).

Figure 12 – ADAURA : survie sans maladie pour les stades II/IIIA.

Dans la population globale de l’essai (stades IB à IIIA), le HR de la survie sans récidive était de 0,27 (IC 95 % = 0,21-0,34) ; la réduction du risque de récidive intracérébrale était de 76 %.

Chez les patients atteints d’un cancer de stade IIIA, le risque de progression semble augmenté avec l’arrêt de l’osimertinib, mais de nombreux patients restent, à ce stade de maturité de l’essai, toujours en cours de traitement.

• Tsuboi M et al. Osimertinib as adjuvant therapy in patients (pts) with resected EGFR-mutated (EGFRm) stage IB-IIIA non-small cell lung cancer (NSCLC): Updated results from ADAURA. Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA47.

Nicolas Girard déclare avoir des liens d’intérêt avec AstraZeneca, BMS, MSD, Roche, Pfizer, Takeda, Boeringer Ingelheim.