L’essentiel en un clin d’œil
• En attendant d’assister à la poursuite de l’ouragan induit par l’immunothérapie dans les cancers de l’endomètre MSI et les cancers du col, les inhibiteurs de PARP continuent leur show dans le cancer de l’ovaire.
• Cet ESMO 2022 a vu entrer le dernier venu, le rucaparib, en première ligne de traitement avec ses données de survie sans progression tandis que l’olaparib monopolisait l’affiche avec les résultats de survie globale à 5 ans pour PAOLA-1 et 7 ans pour SOLO-1 (patientes BRCAm).
• L’ESMO est devenu le grand congrès international numéro 1 en oncologie gynécologique. Après la démonstration d’une augmentation de survie globale pour les patientes atteintes de cancer du col utérin avancé avec l’addition du pembrolizumab à la chimiothérapie de première ligne en 2021, c’est au tour des inhibiteurs de PARP à l’ESMO 2022 de démontrer une augmentation de survie globale en première ligne des cancers de l’ovaire avec HRD !
TOP 1 – PAOLA-1 : enfin pour la première fois depuis 25 ans une augmentation significative de survie globale en première ligne de traitement des cancers de l’ovaire
Les résultats de l’objectif primaire publiés en 2019 avaient montré une augmentation spectaculaire de la survie sans progression (HR = 0,33 ; IC 95 % = 0,25-0,45) chez les patientes (environ 50 % d’entre elles) qui avaient un test HRD positif permettant d’identifier les tumeurs avec instabilité génomique en raison d’un déficit de la réparation de l’ADN dans la voie de recombinaison homologue (1). Compte tenu de la fréquence du cross-over (46 % des patientes dans le bras placebo ont reçu un inhibiteur de PARP (PARPi) à la rechute versus 20 % dans le bras olaparib) et des données suggérant qu’un traitement prolongé par PARPi pourrait induire une résistance aux traitements de chimiothérapie lors des rechutes, on aurait pu craindre que le bénéfice de survie sans progression observé initialement ait fondu avec le temps, comme cela a été rapporté pour d’autres études avec PARPi. Cela n’a pas été le cas pour PAOLA-1.
L’étude PAOLA-1
PAOLA-1 est une étude phase III académique européenne et japonaise dirigée par le groupe français GINECO qui a permis à 804 patientes atteintes de cancer de l’ovaire de haut grade recevant un traitement standard de chimiothérapie (carboplatine-paclitaxel) et de bévacizumab d’être randomisées (2:1) à recevoir en maintenance de l’olaparib en comprimés ou du placebo pendant 2 ans en plus de la maintenance classique par bévacizumab (15 mois au total).
Résultats
La survie globale
Les patientes avec un test HRD positif ont une augmentation significative de survie globale (OS) à
5 ans (65,5 versus 48,4 % ; HR = 0,62 ; IC 95 % = 0,45-0,85), tandis que la courbe d’OS des patientes avec un test HRD négatif traitées par olaparib est au contraire en dessous de celle des patientes dans le bras placebo (Fig. 1).
Figure 1 – PAOLA-1 : survie globale à 5 ans des patientes atteintes de cancer de l’ovaire de haut grade avec déficit tumoral en recombinaison homologue (HRD) traitées par olaparib + bévacizumab ou placebo + bévacizumab.
Le taux de patientes vivantes sans progression
Mais peut-être encore plus spectaculaire que les courbes de survie sont celles de survie sans progression (PFS) à 5 ans. En effet, l’efficacité des traitements actuels en rechute fait que beaucoup de patientes qui ont rechuté sont toujours vivantes à 5 ans, mais malheureusement vont tout de même mourir de leur maladie. À 5 ans, 46 % des patientes HRD positives traitées en maintenance pendant 2 ans par olaparib + bévacizumab n’ont pas rechuté de leur maladie, ce qui laisse supposer qu’une grande partie d’entre elles pourraient être guéries, alors que c’est le cas pour moins de 20 % des patientes dans le bras placebo + bévacizumab (Fig. 2).
Figure 2 – PAOLA-1 : survie sans progression à 5 ans des patientes atteintes de cancer de l’ovaire de haut grade avec déficit tumoral en recombinaison homologue (HRD) traitées par olaparib + bévacizumab ou placebo + bévacizumab.
1. Ray-Coquard I et al. Olaparib plus bevacizumab as first-line maintenance therapy in ovarian cancer. N Engl J Med 2019 ; 381 : 2416-28.
• Ray-Coquard I et al. Final overall survival (OS) results from the phase III PAOLA-1/ENGOT-ov25 trial evaluating maintenance olaparib (ola) plus bevacizumab (bev) in patients (pts) with newly diagnosed advanced ovarian cancer (AOC). Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA29.
TOP 2 – SOLO-1 : où en est-on après 7 ans de suivi avec de l’olaparib seul en maintenance de patientes atteintes de cancer de l’ovaire et avec une mutation BRCA (BRCAm) ?
L’étude SOLO-1
L’essai SOLO-1 diffère de l’essai PAOLA-1 sur trois points :
• cet essai phase III est limité aux patientes avec une mutation BRCA1 ou BRCA2, celles où le déficit en recombinaison homologue est le plus patent ;
• la maintenance ne comprend pas de bévacizumab et donc compare olaparib et placebo seuls ;
• enfin, le pronostic des patientes de SOLO-1 est bien meilleur d’une part en raison de la mutation BRCA, mais aussi en raison de la plus grande fréquence de chirurgie complète dans cet essai, ce qui fait que les objectifs de survie globale prévus ne sont toujours pas atteints malgré le plus grand recul (7 ans versus 5 ans).
Résultats
Les résultats confirment que l’olaparib à 7 ans augmente l’OS des patientes BRCAm (67,0 versus 46,5 % ; HR = 0,55 ; IC 95 % = 0,40-0,76).
Pour les raisons mentionnées ci-dessus, il est impossible de comparer les deux essais SOLO-1 et PAOLA-1, ce qui laisse en suspens le rôle du bévacizumab en plus de l’olaparib chez les patientes HRD-positives, y compris les patientes BRCAm. Des données récentes de Benoît You (HCL, Lyon) avec le KELIM, marqueur de chimiosensibilité, suggèrent que le bévacizumab est surtout utile pour les patientes qui sont peu chimiosensibles (2). Il pourrait donc être utile pour améliorer le pronostic des patientes BRCAm qui reste malheureusement encore non satisfaisant. Néanmoins, seul un essai comme NIRVANA du groupe GINECO, comparant en maintenance niraparib versus niraparib + bévacizumab, pourra donner une réponse objective.
À retenir
Ces résultats de PAOLA-1 et de SOLO-1 sont un grand pas dans le traitement des cancers de l’ovaire. Il reste encore énormément de progrès à réaliser. Est-ce que l’immunothérapie par checkpoint inhibiteur PD-1/PD-L1 sera la prochaine étape ?
2. Becker O et al. 2022-RA-858-ESGO Benefit of bevacizumab according to CA125 decline kinetic in first-line high grade serous ovarian carcinoma (HGSOC) patients in real-life setting. Int J Gynecol Cancer 2022 ; 32 : A270.
• DiSilvestro P et al. Overall survival (OS) at 7-year (y) follow-up (f/u) in patients (pts) with newly diagnosed advanced ovarian cancer (OC) and a BRCA mutation (BRCAm) who received maintenance olaparib in the SOLO1/GOG-3004 trial. Ann Oncol 2022 ; 33 : 517O.
TOP 3 – ATALANTE : un petit rien avec l’immunothérapie dans les cancers de l’ovaire en rechute sensible
L’étude ATALANTE
Tout semblait devoir sourire à l’étude de phase III internationale ATALANTE, conduite par le groupe GINECO : une étude d’immunothérapie associée à la fois au bévacizumab et à la chimiothérapie à base de carboplatine plus la doxorubicine liposomale pégylée (PLD), voire la gemcitabine ou le paclitaxel, chez des patientes en rechute sensible considérées comme les plus aptes à répondre à l’immunothérapie au cours des phases II :
• un nombre de patientes incluses important (n = 614),
• une stratification selon le statut PD-L1 évalué sur des biopsies réalisées juste avant l’inclusion,
• un objectif principal fondé sur la survie sans progression à la fois sur la population entière et sur la cohorte PD-L1 (alpha à 2,5 % pour chaque),
• et enfin une longue durée de suivi (3 ans).
Résultats
Malheureusement, ATALANTE est devenue la quatrième étude de phase III négative avec les inhibiteurs du point de contrôle de la voie PD-1/PD-L1 dans les cancers de l’ovaire. En ITT, le bénéfice à ajouter l’atézolizumab à la chimiothérapie et au bévacizumab reste modeste (HR = 0,83 ; 0,69-0,99 ; p = 0,041, pour un alpha attendu à 0,025, médiane de PFS de 13,5 versus 11,3 mois). Aucun sous-groupe ne bénéficie plus particulièrement de l’atézolizumab, y compris les patientes dont la tumeur exprime PD-L1 avec ou sans lymphocytes intra-tumoraux CD8 associés.
À retenir
Est-ce la fin de l’immunothérapie dans le cancer de l’ovaire ? Non. D’une part, les études n’ont étudié qu’une seule classe de drogues (anti-PD-1/PD-L1) dans un paysage d’immunosuppression complexe et multifactorielle ouvrant la voie à toutes les innovations. D’autre part, il reste l’espoir d’une synergie de l’association d’inhibiteur de PARP et d’immunothérapie qui est apporté par les résultats de l’étude MEDIOLA.
• Kurtz JE et al. Phase III ATALANTE/ov29 trial: Atezolizumab (Atz) versus placebo with platinum-based chemotherapy (Cx) plus bevacizumab (bev) in patients (pts) with platinum-sensitive relapse (PSR) of epithelial ovarian cancer (OC). Ann Oncol 2022 ; 33 : LBA30.
TOP 4 – MEDIOLA entretient l’espoir
L’étude MEDIOLA
MEDIOLA est une étude de phase II qui comprend notamment l’étude d’un triplet sans chimiothérapie, bévacizumab + PARPi (olaparib) + anti-PD-L1 (durvalumab), chez les mêmes patientes qu’ATALANTE, c’est-à-dire des patientes en rechute sensible.
Résultats
Les résultats actualisés à l’ESMO 2022 sont au moins aussi bons que ceux de la chimiothérapie avec bévacizumab chez les mêmes patientes :
• taux de réponse de 87 %,
• médiane de PFS de 14,7 mois,
• médiane d’OS de 31,9 mois.
À retenir
De quoi espérer pour les quatre études en cours de première ligne (FIRST, ATHENA, DUO-O, KEYLYNK-001) qui étudient l’addition de l’immunothérapie à un traitement de première ligne incluant un inhibiteur de PARP. Ce dernier est censé augmenter l’instabilité génétique de la tumeur et donc augmenter le nombre de néo-
antigènes nécessaires pour favoriser une action de l’immunothérapie. Mais il faut regarder en face que les résultats de la triplette MEDIOLA ne reposent que sur une étude de phase II de 31 patientes !
• Banerjee S et al. Phase II study of olaparib plus durvalumab with or without bevacizumab (MEDIOLA): Final analysis of overall survival in patients with non-germline BRCA-mutated platinum-sensitive relapsed ovarian cancer. Ann Oncol 2022 ; 33 : 529MO.
TOP 5 – Lenvatinib + pembrolizumab en rechute de cancer de l’endomètre
La combinaison lenvatinib (inhibiteur de TKI) + pembrolizumab a son indication dans les cancers de l’endomètre récidivant après chimiothérapie.
Résultats de l’étude KEYNOTE-775
La toxicité de la combinaison fait que 39,2 % des patientes arrêtent de façon définitive le traitement et que 71,9 % l’interrompent à un moment donné amène à discuter des indications en pratique de cette combinaison.
À retenir
Un certain nombre de situations ne semblent pas des plus favorables : les patientes qui ont déjà reçu de l’immunothérapie, les patientes avec instabilité des microsatellites qui sont particulièrement sensibles à l’immunothérapie seule, beaucoup moins toxique, les cancers endométrioïdes sans mutation de p53, particulièrement avec expression des récepteurs hormonaux, qui peuvent bénéficier d’une hormonothérapie surtout lorsqu’elle pourra être combinée avec un inhibiteur de CDK4/6. Finalement, les meilleures indications pourraient être les cancers séreux ou à cellules claires qui récidivent après chimiothérapie.
• Makker V et al. Updated efficacy and safety of Lenvatinib plus pembrolizumab versus treatment of physician’s choice in patients with advanced endometrial cancer: Study 309/KEYNOTE-775. Ann Oncol 2022 ; 33 : 525MO.
Éric Pujade-Lauraine déclare avoir des liens d’intérêt avec Roche, AstraZeneca,
Pfizer, Merck et Incyte.