Dr Guilhem Paillard-Brunet
Psychiatre, Centre Léon Bérard, Lyon
Quels sont les facteurs de risque ?
On sait aujourd’hui que le cancer est un facteur de risque important de décéder par suicide puisque ça multiplie le risque entre 1,9 et 2,8. Ce sont des données importantes à prendre en compte. On sait aussi que parmi les patients qui souffrent de cancer, il y a des facteurs qui accentuent ce risque : les symptômes mal contrôlés, les douleurs, les nausées. Et puis il y a une période qui est particulièrement un risque, la première année qui suit le diagnostic. Et donc cela va imposer d’être particulièrement vigilants dans cette période pour ces patients.
Et les facteurs protecteurs ?
Il y a aussi, et heureusement, des facteurs protecteurs, et parmi eux, il y a l’alliance avec les médecins oncologues. Et c’est un facteur sur lequel on va pouvoir beaucoup jouer pour réduire le risque de ces patients.
Comment prévenir ce risque ?
Pour les patients qui ont malgré tout des idées suicidaires, qui rentrent dans une crise suicidaire, ce qu’on dit souvent, c’est qu’il y a rapidement un isolement dans une crise, dont les patients ont du mal à sortir et il faut pouvoir aller les chercher, les sortir de l’isolement dans lequel ils se sont mis malgré eux. Et puis leur poser la question. On a souvent l’idée reçue qu’il ne faut surtout pas poser la question du risque suicidaire parce que ça précipiterait le passage à l’acte. Or on sait aujourd’hui que c’est faux et qu’il faut absolument poser la question, que cela soulage les gens d’en parler et que cela permet ensuite de les prendre en charge.
Une fois qu’on a abordé ces questions, qu’on a pris le temps de les écouter, il faut bien sûr protéger les patients, qu’ils soient chez eux ou à l’hôpital. On limite au maximum l’accès aux moyens dangereux qui peuvent avoir à disposition et on les sort de cet isolement. Cela implique d’être très proactifs dans le lien, de s’appuyer pourquoi pas sur les proches et, évidemment, rapidement, de pouvoir les orienter vers des professionnels de soins psychiques, des psychologues et puis les psychiatres. Et, en attendant, il est capital de soulager les patients de cette souffrance.
Comment soulager la souffrance ?
On s’aperçoit de plus en plus que cette souffrance est multimodale. Elle est sociale, elle est somatique dans le cadre du cancer, avec parfois beaucoup de souffrances liées notamment aux symptômes et aux effets secondaires des traitements. Donc il faut pouvoir les soulager et soulager la souffrance psychique. Cela peut passer par des traitements. Cela passe également beaucoup par l’accompagnement qu’on peut leur proposer.
Le message clé
Le cancer est un facteur de risque important de décès par suicide, ce qui conduit les patients à avoir un risque plus élevé que la population générale. Il faut leur en parler, il faut leur poser la question, car c’est le meilleur moyen de savoir où ils en sont et de les sortir de cet état de crise, et puis de les orienter vers des soins adaptés, médicamenteux quand il y a besoin, et psychiques aussi souvent, et tout ça en harmonie avec tous les acteurs de la prise en charge. Parce que le suicide n’est pas uniquement l’apanage des psychiatres et des psychologues, mais c’est beaucoup plus complexe. Et donc en cancérologie, cela nécessite que cela se fasse en harmonie avec l’oncologue, avec les médecins des soins de support, les médecins de la douleur, etc.
