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Fresenius Replay 2024
Fresenius Replay 2024

L’essentiel en un clin d’œil

Retour de l’ASCO en présentiel avec bonheur à Chicago où les présentations, à défaut d’annonce spectaculaire, ont bien indiqué les différents axes d’exploration qui feront l’oncologie gynécologique de demain.

• Cancers de l’ovaire de haut grade AVEC déficit en recombinaison homologue.

• Cancers de l’ovaire de haut grade SANS déficit en recombinaison homologue.

• Le retour des antiangiogéniques favorisé à leur association avec l’immunothérapie.

• L’ascension de HER2 dans les cancers de l’endomètre.

• Les anti-œstrogènes et les anti-CDK4/6 arrivent en force dans les cancers gynécologiques HR+.

 

TOP 1 / Cancers de l’ovaire de haut grade AVEC déficit en recombinaison homologue (HRD)

En première ligne

Le rucaparib a rattrapé les autres inhibiteurs de PARP (PARPi) en montrant des résultats équivalents à l’olaparib, le niraparib et le véliparib en maintenance de première ligne thérapeutique dans l’essai phase III ATHENA-MONO de 538 patientes en rémission complète ou partielle à l’issue de la chirurgie et de la chimiothérapie.

Les résultats

On retrouve un bénéfice majeur du rucaparib comparé au placebo chez les patientes HRD+ (médiane de survie sans progression (PFS) de 28,7 versus 11,3 mois), qu’elles présentent une mutation BRCA ou non (BRCAwtHRD+ ; médiane à 20,3 versus 9,2 mois). Le bénéfice est beaucoup plus réduit chez les patientes HRD- (médiane de PFS de 12,1 versus 9,1 mois), et aurait peut-être pu être encore plus réduit si le test utilisé avait été le test HRD MyChoice de Myriad ou un équivalent au lieu du test LOH de FMI qui semble moins performant. La toxicité est celle des PARPi en général.

À retenir

Mais la question brûlante aujourd’hui est moins d’avoir à sa disposition un nouveau PARPi que de savoir si cette classe de molécules en première ligne apporte un bénéfice en survie globale (SG). En effet, en rechute, si SOLO2 (olaparib chez les patientes BRCAm) a montré un bénéfice de SG de plus de 1 an, ce n’est pas le cas de NOVA (niraparib) dans la même population avec même la crainte d’un effet délétère chez les patientes BRCAwt, tandis que le rucaparib a montré un effet délétère de SG comparé à la chimiothérapie chez les patientes BRCAm en rechute, malgré un large bénéfice initial en PFS. On attend avec impatience les résultats de SG en première ligne de PAOLA-1 prévus pour l’ESMO 2022.

En rechute

L’essai OReO avait montré un bénéfice de PFS statistiquement significatif à reproposer de l’olaparib en maintenance versus placebo chez les patientes qui avait déjà reçu un PARPi pendant au moins 6 mois et qui répondaient de nouveau à la chimiothérapie à base de platine. Mais ce bénéfice était modeste (ne dépassant pas 3 mois) et la question était de savoir quelles sont les patientes qui bénéficieraient le plus de ce rechallenge. Contrairement à la première ligne, la biologie (statut BRCA, test HRD) n’apporte pas de secours.

Les résultats

L’analyse rapportée par Frédéric Selle a le mérite d’isoler deux facteurs :

• la présence d’une atteinte viscérale

• et l’absence de réponse complète à la chimiothérapie précédente (fondée sur le taux du CA125),

dont l’un suffit chez toutes ces patientes multitraitées à prédire une rechute dans les 6 mois (Fig. 1).

Figure 1 – Étude OReO : pourcentage de patientes sans rechute à 24 semaines en fonction des facteurs de pronostic et de leur bras de traitement (olaparib ou placebo).

À retenir

S’il n’existe pas d’interaction significative entre ces facteurs de pronostic et l’efficacité du rechallenge par l’olaparib, la majorité des longs répondeurs se retrouve chez les patientes qui n’ont pas d’atteinte viscérale.

• Monk BJ, Parkinson C, Lim MC et al.  ATHENA–MONO (GOG-3020/ENGOT-ov45): A randomized, double-blind, phase 3 trial evaluating rucaparib monotherapy versus placebo as maintenance treatment following response to first-line platinum-based chemotherapy in ovarian cancer. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. LBA5500.

• Selle F, Asselain B, Montestruc F et al. OReO/ENGOT Ov-38 trial: Impact of maintenance olaparib rechallenge according to ovarian cancer patient prognosis-An exploratory joint analysis of the BRCA and non-BRCA cohorts. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5558.

 

TOP 2 / Cancers de l’ovaire de haut grade SANS déficit en recombinaison homologue (HRp)

Dans cette catégorie tout particulièrement, c’est la course à la biologie et aux thérapeutiques ciblées.

L’adavosertib

En premier l’adavosertib, inhibiteur de WEE-1, sort la tête en proposant de cibler son action sur les tumeurs avec amplification de la cycline E1 (CCNE1). Environ 20 % des cancers de haut grade de l’ovaire présentent une amplification de CCNE1. Celles-ci ne se voient que chez les patientes BRCAwt et sont connues depuis longtemps pour être particulièrement résistantes à la chimiothérapie.

L’étude IGNITE

Chez 32 patientes résistantes au platine évaluables dans l’essai IGNITE, le taux de réponse de 53 % est très attractif. Tolérance (neutropénie et fatigue) et détection tumorale de l’amplification de CCNE1 restent néanmoins à améliorer.

Le ruxolitinib

L’IL-6 a depuis longtemps également été associée à un mauvais pronostic dans les cancers de l’ovaire. Le ruxolitinib est un inhibiteur de JAK1/2 bien connu des hématologues qui s’occupent de maladie de Vaquez, de myélofibrose ou de GVH qui est censé interrompre l’axe IL-6/JAK/STAT3. Il a été randomisé en néoadjuvant en association à la chimiothérapie première versus placebo chez 130 patientes avec un bénéfice significatif de PFS qui passe de 11,6 à 14,6 mois.

À retenir

Étude preuve de concept bien imparfaite, mais dont les résultats encourageants vont inciter à réaliser une étude phase III.

Il ne faut pas oublier les études en cours ciblant le récepteur alpha des folates (mirvétuximab soravtansine) ou le récepteur des glucocorticoïdes (relacorilant), dont les premiers résultats sont prometteurs.

• Au-Yeung G, Bressel M, Prall O et al. IGNITE: A phase II signal-seeking trial of adavosertib targeting recurrent high-grade, serous ovarian cancer with cyclin E1 overexpression with and without gene amplification. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5515.

• Landen CN, Buckanovich RJ, Sill M et al. A phase I/II study of ruxolitinib with frontline neoadjuvant and post-surgical therapy in patients with advanced epithelial ovarian, Fallopian tube, or primary peritoneal cancer. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. LBA5002.

 

TOP 3 / Le retour des antiangiogéniques favorisé à leur association avec l’immunothérapie

Cancer de l’endomètre

Le succès de l’association pembrolizumab-lenvatinib (TKI multikinase à action antiangiogénique prédominante) en deuxième ligne des cancers de l’endomètre récidivants a fait des émules.

La combinaison camrélizumab + apatinib sans chimiothérapie dans la même situation donne un taux de réponse intéressant de 47,7 % qui méritera d’être confirmé au-delà des 21 patientes de l’étude et il sera intéressant de savoir si la sélectivité de l’apatinib sur VEGFR2 permettra de limiter la toxicité observée avec le lenvatinib.

Cancer du col utérin

Les cancers du col utérin sont une autre tumeur où l’immunothérapie (pembrolizumab) a changé les standards en s’associant avec la chimiothérapie (KEYNOTE-826) dès la première ligne de chimiothérapie des patientes en rechute. Là aussi, après la première ligne, l’association d’un anti-PD-1 (sintilimab) et d’un TKI multikinase à action antiangiogénique (anlotinib) apporte un taux de réponse de 54,8 % avec une médiane de SG de 17,4 mois.

Cancer de l’ovaire

Il nous manquait un biomarqueur d’efficacité des antiangiogéniques et ainsi l’utilisation du bévacizumab en première ligne des cancers de l’ovaire a toujours été l’objet de débats et d’interprétations variées des résultats. Une lueur est apparue grâce au KELIM, mis au point par l’équipe du Pr Benoît You (Lyon) à partir de l’analyse de la décroissance du CA125, et qui permet de disposer d’un marqueur de chimiosensiblité.

L’étude du GOG218

L’étude présentée à l’ASCO à partir des données de l’étude américaine du GOG218 randomisant bévacizumab versus placebo avec la chimiothérapie standard confirme les résultats entrevus à partir de l’étude européenne ICON7. Dans les deux études, le KELIM permet de préciser les patientes qui vont bénéficier du bévacizumab : celles qui sont dites à haut risque, car n’ayant pas bénéficié d’une chirurgie complète initiale et qui ont un KELIM défavorable et sont donc censées être peu chimiosensibles.

Il est possible que l’avènement des PARPi change la perspective puisque, dans l’étude PAOLA-1, les patientes qui ont eu une chirurgie complète d’emblée sont celles qui ont le bénéfice maximum de PFS.

• Wang H, Tian W, Ren Y et al. Camrelizumab plus apatinib in patients with advanced or recurrent endometrial cancer after failure of at least first-line therapy: Interim results of a single-arm phase II trial. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5591.

• Xu Q, Chen C, Sun Y et al. Overall survival results from a phase II trial of anlotinib plus sintilimab in patients recurrent advanced cervical cancer. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5536.

• You B, Purdy C, Swisher EM et al. Identification of the ovarian cancer patient experiencing the highest benefit from bevacizumab in first-line setting based on their tumor intrinsic chemosensitivity (KELIM): GOG-0218 validation study. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5553.

 

TOP 4 / L’ascension de HER2 dans les cancers de l’endomètre

Alors que les cancers de l’endomètre sont bouleversés par la vague d’immunothérapie dans les tumeurs avec instabilité des microsatellites ou ayant une mutation de POLE, un vieux biomarqueur fait son chemin dans les cancers de l’endomètre bien après les cancers du sein : HER2. Les patientes atteintes de cancer séreux de l’endomètre avec surexpression HER2 (20 %) ont un bénéfice statistique de survie globale lorsqu’elles sont traitées par trastuzumab.

À l’ASCO, nous avons appris que, en plus, 5 % des cancers endométrioïdes ont également une surexpression de HER2. Par ailleurs, si l’efficacité du trastuzumab est corrélée au taux d’amplification de HER2, ceci ne sera peut-être plus le cas avec le nouveau trastuzumab, le trastuzumab déruxtécan, dont l’efficacité est retrouvée dans les cancers du sein, quelle que soit l’intensité d’expression de HER2.

• Bruce S, Farrel A, Oberley M et al. HER2 in endometrioid endometrial adenocarcinoma (E-EMCA): defining incidence, molecular profiles, and outcomes. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5588.

 

TOP 5 / Anti-œstrogènes et anti-CDK4/6 arrivent en force dans les cancers gynécologiques HR+

Après les cancers du sein ER+, les cancers de l’endomètre ER+ (étude PALEO), c’est au tour des cancers séreux bas grade de l’ovaire d’être la proie de la combinaison anti-
œstrogène (fulvestrant) – anti-CDK4/6 (abémaciclib). L’étude présentée par Cobb et al. était particulièrement osée puisqu’elle proposait de traiter pendant 8 semaines 15 patientes atteintes d’un cancer séreux de bas grade inopérable avec cette combinaison d’hormonothérapie. Le taux de réponse de 60 % et le taux de réponse complète chirurgicale à la fin des quatre cycles d’hormonothérapie chez près de la moitié des patientes (7/15) sont particulièrement encourageants et cela mérite de poursuivre l’évaluation de cette stratégie thérapeutique.

• Cobb LP, Davis J, Hull S et al. A pilot phase II study of neoadjuvant fulvestrant plus abemaciclib in women with advanced low grade serous carcinoma. J Clin Oncol 2022 ; 40 : abstr. 5522.

À retenir

Au total un ASCO sans tambour ni trompette, mais avec une foison de nouvelles voies de progrès touchant tant les cancers de l’ovaire que les cancers du col ou de l’endomètre.

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêt avec Roche, AstraZeneca, Pfizer, Merck et Incyte.