Cette nouvelle session du congrès ESMO Breast 2025 a été marquée par l’actualisation de données de plusieurs études phares en particulier en situation métastatique (EMBER-3, Pada-1 …), ainsi que par la présentation de résultats intéressants dans la pratique clinique quotidienne. Voici une petite sélection des présentations les plus marquantes de cette édition.
1 – EMBER-3 : confirmation de l’intérêt d’une bithérapie en 2e ligne d’hormonothérapie métastatique même chez les patients prétraités par iCDK4/6
Suite à une première présentation au SABCS 2024 ont été exposés cette fois-ci les résultats chez les patients prétraités par inhibiteurs de cycle cellulaire anti-CDK4/6 (iCDK4/6).
L’étude EMBER-3
Pour rappel, il s’agit d’une étude de phase III internationale à trois bras, randomisée en ouvert, incluant des patients avec un cancer du sein métastatique, progressifs en cours d’hormonothérapie adjuvante ou après une première ligne d’hormonothérapie métastatique associée ou non à un inhibiteur de cycle iCDK4/6 (Fig. 1).
Figure 1 – EMBER-3 : schéma de l’étude.
Au total, 847 patients ont été randomisés entre :
• imlunestrant seul (un nouveau SERD oral),
• versus association imlunestrant + abémaciclib,
• versus hormonothérapie au choix de l’investigateur (fulvestrant ou exémestane).
Environ 65 % des patients inclus avaient été prétraités par iCDK4/6, essentiellement en phase métastatique (92-95 % des patients traités), et le plus souvent par palbociclib (61-65 % des prescriptions d’iCDK4/6).
Résultats
Si, dans la population globale, la combinaison améliore la survie sans progression (SSP) médiane de 3,9 mois (9,4 versus 5,5 mois ; HR = 0,57 (0,44-0,73)), la population prétraitée par iCDK4/6 bénéficie également de l’association avec un gain de 5,4 mois en SSP médiane par rapport à l’imlunestrant seul (9,1 versus 3,7 mois ; HR = 0,51 (0,38-0,68)) (Fig. 2). Ces résultats sont constants, que le patient présente une maladie métastatique osseuse exclusivement ou avec présence de métastases viscérales.
Figure 2 – EMBER-3 : survie sans progression médiane pour la population globale et pour la population prétraitée par iCDK4/6.
Le bénéfice de l’association est également constaté en cas de présence ou d’absence de mutation ESR1 circulante, de mutations de la voie PI3K, voire des deux mutations, que les patients aient été prétraités par iCDK4/6 ou non.
En pratique
Au final, cette analyse en sous-groupe confirme l’intérêt d’une association imlunestrant + abémaciclib en cas de résistance à une première ligne d’hormonothérapie, même en cas de prétraitement par iCDK4/6, repoussant ainsi l’initiation d’une chimiothérapie systémique.
• Saura C, Carey L, Curigliano G et al. Imlunestrant (imlu) with or without abémaciclib (abema) in advanced breast cancer (ABC): a subgroup analysis in CDK4/6 inhibitor (CDK4/6i)-pretreated patients (pts) from EMBER-3. Ann Oncol 2025 ; 10 : 297O.
2 – PADA-1 – Recherche de la mutation ESR1 circulante : quand et chez quelles patientes ?
L’étude PADA-1
Cette étude académique de phase III randomisée a été pionnière dans la démonstration de l’intérêt clinique de la recherche de mutation ESR1 circulante (bESR1mut). Quand cette mutation est détectée précocement, c’est-à-dire avant la progression clinique, changer d’hormonothérapie en relayant une anti-aromatase par du fulvestrant tout en poursuivant le palbociclib retarde la progression clinique et la nécessité de passer à une 2e ligne de traitement métastatique (Fig. 3).
Figure 3 – PADA-1 : schéma de l’étude.
Ont été présentés cette fois-ci la cinétique d’apparition des bESR1mut et les facteurs influençant cette apparition dans la population de l’étude.
Résultats
Dans la phase I, correspondant au suivi et à la recherche des mutations circulantes, environ 41 % des patientes ont présenté l’apparition bESR1mut, concordant avec la littérature, dont 75 % avant la progression clinique. L’incidence globale des bESR1mut est évidemment cumulative dans le temps, mais le pic d’apparition se fait entre 6 et 30 mois de traitement, avec pour hypothèse qu’il s’agisse de la sélection d’un clone préexistant plutôt que de l’acquisition d’un mécanisme de résistance (Fig. 4).
Figure 4 – PADA-1 : incidence cumulative et instantanée des bESR1mut.
En analyse multivariée, la probabilité de voir émerger une bESR1mut était majorée chez les patientes plus jeunes, avec forte expression RE/RP et en cas d’atteinte osseuse avec ou sans métastases viscérales associées. Par ailleurs, les chances de détecter précocement une mutation avant la progression clinique sont d’autant plus grandes en cas de maladie peu proliférante/bas grade ou uniquement avec métastases osseuses.
En pratique
Avec les résultats de l’étude SERENA-6, présentés en plénière à l’ASCO 2025 quelques semaines plus tard, qui confirmaient l’intérêt d’un changement d’hormonothérapie avec du camizestrant, SERD oral de nouvelle génération, en cas de détection bESR1mut, ces nouvelles données issues de PADA-1 nous éclairent sur l’optimisation de la recherche de ce mécanisme de résistance en situation clinique.
• Bidard FC, Bachelot T, Hardy-Bessard AC et al. Kinetics and determinants of blood ESR1 mutation under AI and palbociclib in patients with HR+/HER2- mBC in the PADA-1 trial. Ann Oncol 2025 ; 10 : 1O.
3 – Étude POSITIVE : quels facteurs prédictifs de fertilité peut-on identifier en cas d’interruption d’hormonothérapie adjuvante pour envisager une grossesse ?
L’étude POSITIVE
L’étude POSITIVE est une étude de cohorte prospective de 518 jeunes patientes en âge de procréer, ayant suspendu leur hormonothérapie adjuvante après minimum 18 mois de traitement en cours pour envisager une grossesse, puis reprendre le traitement pour la durée restante après accouchement ± allaitement (Fig. 5). L’absence de risque supplémentaire de rechute et la sécurité de la mise en œuvre de technique d’aide médicale à la procréation (AMP) en cas d’interruption d’hormonothérapie adjuvante ont déjà été démontrées et publiées.
Figure 5 – POSITIVE : schéma de l’étude.
À Munich, les résultats sur les facteurs favorisant la mise en route d’une grossesse ont été discutés.
Résultats
Rappelons que le taux de grossesse était de 74 % dans la population suivie et que 64 % des patientes l’ont menée à terme. Trois mois après l’arrêt de l’hormonothérapie, 47,7 % des patientes présentaient une réserve ovarienne faible, définie comme un taux d’AMH inférieur à 0,5 ng/ml, mais seulement 10,6 % avaient une insuffisance ovarienne prématurée à 12 mois, avec un taux de FSH supérieur à 25 UI/l. L’âge avancé (40-42 versus 35-39 versus < 35 ans) et la chimiothérapie (néo)adjuvante étaient associés à une réserve ovarienne plus faible avec une probabilité de grossesse moindre, mais pas le type d’hormonothérapie (analogue LHRH + anti-aromatase versus tamoxifène). En cas de réserve ovarienne faible, les chances de grossesse restaient élevées (environ 65 %), sans effet du recours aux techniques d’AMP ou non.
En pratique
Ceci montre l’importance de l’évaluation précoce de la réserve ovarienne dès le début de la pause d’hormonothérapie et d’informer les patientes de leur chance de grossesse, et de pouvoir dès que nécessaire les adresser vers les filières d’AMP adaptées.
• Peccatori FA, Niman SM, Partridge AH et al. Predictive factors of fertility in patients with breast cancer interrupting adjuvant endocrine therapy to attempt pregnancy in the POSITIVE trial. Ann Oncol 2025 ; 10 : 415O.
4 – ADC post-ADC : Emi-Le, le nouvel espoir dans le cancer du sein triple négatif ?
L’emiltatug ledadotin (Emi-Le) est un anticorps drogue-conjugué (ADC) anti-B7-H4, avec un agent cytotoxique anti-microtubule. La forte expression tumorale de B7-H4 est associée à un mauvais pronostic pour les patientes avec cancer du sein triple négatif (TNBC).
L’étude
Dans une étude de phase I d’escalade de dose, multi-tumeurs, 44 patientes TNBC métastatiques ont été incluses, d’âge médian 49 ans et lourdement prétraitées (médiane = 4 lignes (1-9)) avec au moins un traitement préalable par un ADC anti-topo-isomérase 1 (86 % par sacituzumab govitécan, 31 % par trastuzumab déruxtécan, 25 % par les deux). Au total, 38,9 % des patientes incluses avaient une expression forte de B7-H4 (TPS > 70 %). Sur les patientes évaluables, le taux de réponse était de 23 %, uniquement chez des patientes B7-H4 élevée, voire de 29 % si moins de quatre lignes de traitements préalables.
Les effets secondaires les plus fréquents sont des cytolyses hépatiques, des anémies et des protéinuries, avec moins de 5 % de taux d’arrêt et moins de 10 % de baisse de posologie.
Une tendance positive en termes de SSP et de survie globale (SG) semble se dessiner, à confirmer sur des études complémentaires.
En pratique
Une phase d’extension uniquement pour les TNBC est d’ores et déjà en cours et Emi-Le a bénéficié d’un accès fast track par la FDA aux États-Unis dans le cadre des cancers du sein HER2 non amplifiés.
Cet essai montre qu’une séquence thérapeutique ADC post-ADC peut avoir son intérêt, et ce, d’autant plus si l’agent cytotoxique et la cible tumorale sont différents entre les deux drogues.
• Hamilton EP, Han H, Abuhadra N et al. Clinical activity of emiltatug ledadotin, a B7-H4-directed ADC, in patients with TNBC who received at least one prior topoisomerase-1 inhibitor (Topo-1) ADC. Ann Oncol 2025 ; 10 : 298MO.
5 – ADAPTcycle : peut-on éviter une chimiothérapie en cas de cancer du sein luminal B ?
La question posée par l’étude ADAPTcycle est simple : en cas de cancer du sein à risque intermédiaire ou élevé de récidive, l’association hormonothérapie et inhibiteur de CDK4/6 peut-elle remplacer la chimiothérapie conventionnelle ?
L’étude ADAPTcycle
Les patientes incluses ont bénéficié d’une hormonothérapie (HT) néoadjuvante de 14 jours avant une nouvelle biopsie ou une chirurgie afin de définir leur risque de récidive. En cas de risque intermédiaire selon l’envahissement ganglionnaire, le Recurrence Score® (RS) et l’évolution du Ki67 sous HT néoadjuvante, les patientes ont été randomisées entre chimiothérapie suivie d’une HT conventionnelle versus HT et ribociclib 600 mg par jour, pendant 2 ans et poursuite HT seule. Au choix de l’investigateur, ce traitement pouvait être réalisé de façon adjuvante ou néoadjuvante (avec risque de récidive évalué sur la biopsie post-HT néoadjuvante initiale) (Fig. 6).
Figure 6 – ADAPTcycle : schéma de l’étude.
Les critères de jugement principaux sont la survie sans maladie invasive et sans maladie à distance, avec des résultats attendus pour 2028.
Nous ont été présentés les résultats des 554 patientes traitées en néoadjuvant et randomisées entre chimiothérapie ou HT + ribociclib.
Résultats
Concernant la réponse initiale à l’HT, elle est faible sous tamoxifène (26,4 % pour les patientes non ménopausées, 6,3 % pour les patientes ménopausées) contre plus de 80 % sous anti-aromatases +/- analogue de la LHRH. Les taux de réponse complète (pCR) ou presque complète (ypT1a ypN0) étaient respectivement de 7,1 et 15,4 % en cas de chimiothérapie contre 5,7 et 9,5 % en cas d’HT + ribociclib, sans différence significative (Fig. 7). Seules deux patientes ont progressé sous traitement dans le bras avec ribociclib et la tolérance était concordante avec la littérature.
Figure 7 – ADAPTcycle : taux de réponse en cas de traitement néoadjuvant.
En pratique
Vu que la valeur prédictive et pronostique de la pCR en cas de cancer luminal B n’est pas validée, seuls les résultats définitifs permettront de conclure sur la meilleure option thérapeutique dans cette population avec, en ligne de mire, la possible désescalade de la chimiothérapie en cas de risque clinique et moléculaire intermédiaire.
• Harbeck N, Gluz O, Christgen M et al. Ribociclib + endocrine treatment vs SoC chemotherapy in intermediate risk HR+/HER2- early breast cancer: Results from the neoadjuvant cohort of the phase-III WSG ADAPTcycle – trial. Ann Oncol 2025 ; 10 : 189O.
L’auteur déclare avoir des liens d’intérêt avec Pfizer, Novartis, Lilly, AstraZeneca, GSK, MSD, Daiichi Sankyo, Roche, Gilead..